Dossier : Affaires de finances dans le handball féminin

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Certains clubs ne connaissent pas la crise, mais l’année 2022 a mis à jour des difficultés majeures pour le financement du handball féminin. Inquiétant ? C’est notre dossier.

Le sport féminin en général connaît un certain essor ces dernières saisons, boosté par des politiques de promotion et de valorisation ainsi que, dans une certaine mesure, une prise de conscience du grand public. Pourtant tout n’est pas aussi rose qu’on le voudrait et le handball féminin Français en a fait les frais en 2022.

Bourg-de-Péage, le miel et les abeilles

1,3 millions d’euros de dettes au minimum. C’est la somme folle qui a été annoncée par Jean Pamart, président du club Péageois, lors de l’annonce du depot de bilan il y a quelques semaines. Ces dettes, ce n’est pas lui qui les a occasionnées mais il a pourtant tenté de les éponger lorsqu’il a repris la présidence en Mars 2022. Impossible puisqu’on lui avait annoncé à l’origine une dette de 500 000€. Minée par une gestion discutable remontant à 2017 et des soupçons de malversations, l’entité Drômoise a dû se résoudre à se positionner en cessation de paiement. Les joueuses ne seront pas payées au delà de Décembre et des solutions de sorties ont été recherchées, il en va de même pour les autres salariés de l’équipe. Une catastrophe pour un club de handball qui s’était sportivement hissé à un niveau remarquable. Restera la question : à quel prix ?

L’affaire n’est pas close avec la liquidation de la section professionnelle. Il y a quelques jours un appel était lancé pour tenter de combler in extremis une dette de 20 000€ au niveau de la partie associative. Mairie et département se refusent à un chèque en blanc et attendent un certain nombre de garanties pour pouvoir agir. Sans solution avant le 6 janvier, le club tout entier devait mettre la clé sous la porte, poussant les 300 licenciés à trouver un autre terrain à fréquenter. Pour l’heure la situation oscille encore entre redressement judiciaire et liquidation. Réponse attendue le 9 janvier lors d’une assemblée.
Par ailleurs, des plaintes ont été déposées pour tenter de mettre à jour les responsables de cette situation. La justice avance, le handball pas forcément.

Mérignac, gare à la foudre

Le club de Mérignac n’est pas le plus stable aussi bien sportivement que financièrement ces dernières saisons, mais le club se bat avec ses armes et progresse à son rythme. Cependant à la lumière de la situation rencontrée à Bourg-de-Péage, le club Girondin a fait connaître aux autorités de gestion un déficit estimé à 180 000 euros. Une situation qui ne dépend pas réellement d’une mauvaise organisation de la structure mais bien de la conjoncture financière globale selon les dirigeants. Le 3ème plus petit budget du championnat (1,27 millions d’euros) marche sur un fil chaque saison.

Pénalisé de 9 points au classement de LBE en Décembre, Mérignac a fait appel en dénonçant une sanction disproportionnée et un plan de recouvrement inadapté. D’autant plus que cette sanction positionne désormais le club en dernière position, synonyme de relégation en fin de saison. Une situation qui aggraverait naturellement les difficultés… Soutenu par ses partenaires et les collectivités, Mérignac fait donc face à une plus mauvaise situation que prévue suite à la décision de la CNCG.
Affaire à suivre.

Fleury, l’extinction des Panthères

C’est à la disparition d’un bout d’histoire du championnat féminin que nous avons assisté en 2022. Les trophées glanés au fil des années n’ont pas été d’une grande utilité face aux difficultés financières. Championnes de D2F en 2003, Championnes de France en 2015, vainqueures de la Coupe de France en 2014 ainsi que de la Coupe de la Ligue en 2015 et 2016, les Panthères de Fleury ont poussé leur dernier rugissement. Avec près de 300 000 euros de dettes accumulées après le départ du président et investisseur Jean-Pierre Gontier en 2019, le club de Fleury a connu une descente aux enfers irrémédiable.

Parmi les facteurs, la perte de partenaires privés majeurs a fait passer l’apport du sponsoring de 1 210 000€ en 2018/2019 à 638 000€ l’année suivante, jusqu’à atteindre les 367 000€ en 2021/2022. Crise du Covid, perte d’attractivité, descente en D2F n’ont fait aucun cadeau.
Les diverses instances, notamment la LFH par le biais de Nodjialem Myaro, se sont malgré tout mobilisées pour éponger la dette et une issue favorable semblait se dessiner. Sous réserve d’aides de la métropole (100 000€), de la Région Centre-Val de Loire et du Département du Loiret (50 000€ chacun), un plan d’épurement sur 4 ans avait été validé par la FFHB.

C’était sans compter sur le refus de la Métropole d’Orléans d’accorder son aide, malgré un accord préalable et sur fond de désaccord politique, entrainant avec elle le retrait du département et de la région. Il ne restait alors plus qu’à acter la liquidation judiciaire. Le tribunal de commerce d’Orléans s’en est chargé le 30 novembre 2022 marquant la fin de l’entité professionnelle et du centre de formation. 16 salariés ont été licenciés, incluant 9 joueuses professionnelles.
La section amateur du club et l’équipe de Nationale 1 Féminine ont toutefois réussi à se sauver. Et l’espoir de retrouver le club en D2F à l’avenir n’est pas tout à fait éteint.

Nîmes/Bouillargues s’en remet au père Noël

La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux pendant les fêtes. Les joueuses de Bouillargues appellent à une prise de conscience des collectivités suite au retrait des financements de la métropole pour les clubs féminins.

Le dossier ne date pourtant pas d’hier. Il y a quelques mois la métropole Nîmoise prenait la décision de ne plus financer le sport féminin dans son ensemble, pénalisant et fragilisant plusieurs clubs dans différents sports. Le club de Bouillargues en D2F, accuse notamment un trou financier de 60 000€ et dénonce une forme de discrimination : les clubs masculins n’ayant pas connu de changement dans leur financement. Du côté de la métropole, est argué le fait que la compétence du financement des clubs sportifs n’est pas obligatoire et avait pris une ampleur disproportionnée.
Alertés par la situation, la Région Occitanie et le Département du Gard ont décidé en fin d’année de verser respectivement 15 000€ et 10 000€. Une aide exceptionnelle qui vise principalement à donner de l’air au club en attendant d’autres solutions pérennes.

L’ex pensionaire de première division et détenteur d’un statut de VAP, lui permettant d’y retourner sous réserve de résultats sportifs et financiers, n’a pas fini de se battre.
Au delà du cas particulier de Bouillargues, cette situation doit interroger sur le financement du sport féminin dans son ensemble.

Les sanctions

Dans les cas de Bourg-de-Péage et de Mérignac, les seules actions visibles de la CNCG ont été des retraits de points au classement de Ligue Butagaz Énergie. Là où les clubs auraient eu besoin d’accompagnement et de solutions, ils ont reçu des coups de bâton bien éloignés de la pédagogie qui aurait été préférable en telle situation. De son côté la LFH, « première ligue digitale », a été d’un mutisme surprenant sur ces sujets, ne jugeant peut être pas les situations suffisamment « inspirantes » et préférant simplement actualiser son classement officiel sans plus d’annonce. Seule exception, l’engagement marqué de Nodjialem Myaro sur le dossier de Fleury.
Si on imagine volontiers que les ressorts internes ne manquent pas, d’avantage de communication sur ces sujets serait bienvenu pour éviter de donner un visage erroné du championnat et de ses instances. De plus, un son de cloche plus impartial que celui des clubs ou des créanciers ne serait pas de trop dans des situations bien souvent floues.

Et maintenant ?

Face à une inflation hors normes, même des clubs réputés solides, comme Metz Handball, sont amenés à adapter leurs lignes budgétaires pour tenir bon. Comment faire face à la flambée des coûts de transport et d’hébergement ? Comment assurer les salaires quand d’une saison à l’autre certains partenaires, parfois historiques, deviennent subitement plus frileux ? Dans ces conditions, il n’est pas exclus de voir d’autres clubs tirer la sonnette d’alarme dans les prochains mois et il faudra espérer que les institutions, LFH, FFHB et CNCG en tête, sauront mettre en place les mesures de soutien nécessaires pour éviter davantage de catastrophes sportives et humaines.

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