Melvine Deba : « J’ai signé pour jouer dans une équipe compétitive ! »

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Arrivée à l’intersaison en provenance du Paris 92 pour pallier le départ d’Ailly Luciano et Laura Flippes, l’ailière droite Melvine Deba, championne d’Europe Juniors 2017, nous a accordé une interview pleine de sincérité et de lucidité. Animatrice du podcast Handpapers, dessinatrice à ses heures perdues et messine jusqu’en 2022, Melvine évoque son arrivée sur les rives de Moselle.  

LGM : On a pu t’apercevoir, tout de rose vêtue et un large sourire aux lèvres, au centre du terrain des Arènes le 25 Janvier dernier. Ce jour-là tu officialisais ta signature à Metz mais depuis il s’est passé beaucoup de choses. Est-ce que tu peux nous faire une petite séance de rattrapage ?
M : L’évènement le plus long c’est bien évidemment le confinement, je n’ai pas pu terminer ma saison avec Issy Paris, ce qui est assez particulier… Partir sans dire au revoir c’est un peu comme fermer un livre sans lire le dernier chapitre. C’est un sentiment étrange, je n’ai pas pu voir toutes mes amies avant de partir. Nous étions sur un cycle de travail très positif, pour preuve c’était la première fois que je battais Metz en 4 ans de LFH (05.02.2020). Cette fin a un goût d’inachevé.

Crédit photo : Matthieu Henkinet

Et le confinement, tu l’as vécu comment ?
J’ai choisi de me confiner toute seule. Je suis restée chez moi à Issy les Moulineaux parce que j’aime la solitude, ça me laisse beaucoup de temps pour créer des choses, lire ou juste être avec moi-même, ce qui finalement a été une très belle expérience.

Du point de vue d’une joueuse, est ce que ce que nous traversons peut avoir un impact à l’échelle d’une carrière ?
Là tout de suite je ne sais pas trop, l’impact on pourra peut-être commencer à le ressentir à la rentrée. Pour autant, je pense en priorité aux athlètes qui comptaient terminer leur carrière cette année, qui ont investi du capital financier, du temps, avec une projection sur les JO ou simplement sur une dernière saison ça peut être terrible… Ensuite cette crise aura des conséquences économiques certaines pour le Handball féminin qui vit sous injection étatique, même s’il y a bien sûr des partenaires privés, mais je pense que les partenaires pensent d’abord à se reconstruire avant de distribuer de l’argent, donc c’est encore un peu tôt pour s’en rendre compte, nous manquons de recul, la saison n’a pas encore repris. On ne peut pas se comparer avec d’autres sports comme le football qui a des droits TV, donc pour l’instant c’est un gros point d’interrogation et il va falloir attendre le mois de septembre pour voir où on en est et là on pourra commencer à réfléchir à l’impact que cela peut avoir sur une carrière.    

Crédit photo : Lucas Deslangles


Pour revenir à notre sujet de prédilection, il y a finalement eu ton arrivée à Metz, la découverte de la ville, du club, des coéquipières… Comment cela s’est passé ?
C’est très déstabilisant. J’ai changé de ville et de vie. J’ai besoin de retrouver de nouveaux points d’ancrage, que ce soit avec le staff, les joueuses, ou même dans la ville, parce que forcément il faut repérer où se trouvent les kinés où se trouvent les commerces où je vais trouver ce que j’ai l’habitude de manger, toutes ces choses là qui font que j’ai besoin de remettre de l’ancrage. J’ai changé pas mal de choses essentielles qui sont les lieux de vie, la situation professionnelle, relationnelle, et familiale, toutes ces choses qui sont capitales dans l’équilibre humain et forcément je suis encore dans une période d’adaptation. Je trouve que le retour à la pratique du handball après ce long temps de confinement fait du bien et ça permet de retrouver des sensations qui sont très agréables, les échanges avec les filles qui se font vraiment de manière géniale, ça permet aussi d’avoir de belles émotions et de se sentir bien. Mais c’est un processus qui demande du temps.  

Tu sors d’un entrainement et on entend souvent qu’évoluer sous les directives d’Emmanuel Mayonnade c’est une expérience à part entière. Quel est ton ressenti jusqu’à présent ?
Ce qui m’a marqué chez lui, en particulier lors de notre premier match face à Dortmund, c’est sa précision et sa capacité rapide d’analyse des choses. Cela m’a énormément marqué car j’aime écouter les discours des entraîneurs et des entraîneuses lors des temps morts. Lorsque c’est précis et complet c’est très agréable et ça traduit chez lui une grille de lecture du handball qui va à 2000km/h, et je trouve ça remarquable. Son appétit pour le handball est contagieux, et ce sont les liens que nous sommes toutes en train de tisser avec lui qui feront la différence.

Tu en es un témoin, le club vient de passer par une période riche en mouvements d’effectif, quel est ton regard sur cette mini révolution au sein de l’équipe ?
Ce qui a permis à Metz Handball d’être une équipe constante dans le temps, c’est sa structure. Ce que beaucoup assimilent à une révolution, j’en parlais encore récemment avec Méline Nocandy, il y a cinq ans lorsqu’elle est arrivée à Metz c’était la même chose. Ce qui caractérise Metz Handball c’est sa capacité à être constant structurellement. Avant Emmanuel Mayonnade ça gagnait déjà à Metz, il y a des modes de fonctionnement qui perdurent à travers le temps. Là où Metz Handball est très fort c’est que le club choisit des joueuses capables de s’adapter au projet. Cela fait qu’un peu plus d’un mois qu’on est ensemble, il faut encore beaucoup travailler, mais nous sommes sur la bonne voie.

Cela doit être particulier d’entrer dans un vestiaire encore marqué par le passage de joueuses emblématiques comme Grace Zaadi, Laura Glauser ?
Avant d’être une joueuse emblématique et historique du club, il faut être une joueuse nouvelle !

Tu as retrouvé une joueuse que tu connais bien et avec qui tu as remporté le championnat d’Europe Juniors en 2017, Méline Nocandy. Sa présence a joué un rôle dans ta signature ?
Pas directement, je ne signe pas pour des raisons extérieures à moi-même, mais pour des raisons qui me sont propres. Dans ces raisons, il y avait « signer pour jouer dans une équipe compétitive », et donc l’effectif qu’on m’a présenté était évidemment très attrayant, et le projet était très intéressant, tant pour ce que je pouvais apporter que pour ce que le club pouvait m’apporter.

Du côté du championnat et de la Ligue des Champions, il y a eu du chamboulement en vue de la saison à venir, qu’attends-tu de ces nouvelles formules ?
J’espère surtout que cela va démarrer… Pour la LFH, cela va donner un goût différent à chaque rencontre, il y aura un peu moins de marge de manœuvre. L’enjeu c’est de se dire « ok faut être prête pour chaque rencontre » et ça redonne un goût tout particulier au travail quotidien. Le seul point d’interrogation que j’ai c’est sur le calendrier. Avec le contexte je ne pensais pas qu’on augmenterait le nombre de matchs. Ces décisions ne sont pas de mon ressort, et tout ce que je peux faire à mon niveau c’est d’être prête et faire de mon mieux.


Sortons du handball pur et dur quelques minutes, tu as lancé l’an passé ton podcast Handpapers, en compagnie de Maryam Garba. On te sent habitée par un besoin de t’investir et de faire entendre une voix souvent relayée au second plan, qu’est ce qui a motivé cela ?
Ce qui a motivé cela c’est peut-être ce que j’ai vécu en tant que jeune joueuse au centre de formation. J’avais parfois l’impression de manquer d’outils de compréhension du monde professionnel, comme par exemple les négociations de contrat. J’étais une joueuse qui aspirait à beaucoup voyager et je trouvais ça intéressant d’obtenir des informations par d’autres joueuses qui ont fréquenté différents pays, différentes choses, juste avoir des retours d’expérience. Et comme j’ai l’impression que l’histoire se répète et que tout le monde vit plus ou moins la même chose, je trouvais dommage de laisser les récits des joueuses s’évanouir avec leur carrière une fois celle-ci terminée.

C’est une dynamique particulière pour une sportive encore en début de carrière que de proposer des sujets demandant un tel recul sur les situations évoquées. On pense aux sujets sur la grossesse bien sûr mais aussi sur les contrats ou… la plupart des sujets en définitive. Tu n’as pas eu le sentiment d’être face à un mur de problématiques au départ ?
Un mur de problématiques non, mais ce sont des enjeux. Jeunes ou moins jeunes, les enjeux sont les mêmes, et il faut avoir des outils pour ne pas garder des joueuses désinformées. Comme une carrière de handball professionnelle est relativement courte, je ne crois pas qu’il y ait de précocité dans le fait de s’interroger. Pour la grossesse par exemple, Laura Glauser a été maman à vingt-trois ans, j’en ai vingt-deux, je ne dis pas que je veux être maman mais ce sont des questions qui se posent évidemment puisque nous sommes des femmes. Mais ce n’est pas un mur de problèmes. Simplement je trouvais qu’il manquait ce point de vue des joueuses sur ces sujets.


Propos recueillis par Gérald Russello / Crédits Photos : Lucas Deslangles et Matthieu Henkinet

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