Ailly Luciano : « Le handball vit vraiment dans cette ville, c’est extraordinaire ! »

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A quelques jours du match contre Toulon St Cyr, Ailly Luciano nous a accordé une interview grand format. L’occasion de revenir, sourire aux lèvres, sur son parcours au sein du Metz Handball, son retour de la grossesse au plus haut niveau, ses ambitions sur la saison, l’équipe nationale des Pays Bas et bien d’autres choses…

Let’s Go Metz : Tu as eu une saison blanche, consacrée à ta grossesse et tu es désormais de retour au plus haut niveau. Quel est le secret de ce retour réussi ?
Ailly Luciano : Pour dire la vérité, je ne sais pas. Je pense que c’est l’amour pour le sport, quand tu fais des sacrifices c’est que tu aimes ce que tu fais. Si ça te dérange ça se voit sur le terrain. Je suis bien dans ma peau, j’aime le hand et du coup ça se passe très très bien.

LGM : Cela se voit particulièrement ces dernières semaines puisque tu as été honorée par deux sélections dans le « 7 de la semaine » et tu as marqué un but victorieux lors du dernier match à domicile, ce sont des choses qui comptent pour toi ?
A.L : Pas vraiment. Ce qui compte c’est de gagner. A la fin du compte, si je joue mes meilleurs matchs mais qu’à la fin de la saison je n’ai pas de médaille je serai dégoûtée. Je préfère jouer normalement et gagner que jouer très bien et perdre. Je préfère gagner.
Mais du coup ça fait plaisir de savoir que les gens remarquent que je me donne à fond mais ce n’est pas plus que d’habitude pour moi, je me donne tout le temps et là cela a été remarqué.

LGM : Justement tu parles de médaille, on connait l’ambition du club cette saison : continuer à briller en France tout en retournant au Final 4. Mais est ce que tu as un objectif personnel à atteindre ?
A.L : C’est peut être un peu égoïste de ma part, mais l’année dernière les filles étaient au Final 4 et depuis que je suis au club c’est dans cette direction que je regarde. J’aimerais tellement pouvoir y aller cette année parce que c’est le rendez-vous des élites. J’ai fait toutes les compétitions des élites : j’ai été aux jeux olympiques, j’ai fait les mondiaux, l’euro… c’est ce qu’il me reste à aller disputer.

LGM : En effet, si Metz Handball réussit à aller à nouveau au Final 4, est ce que c’est juste pour le disputer ? Il y a fort à penser que les ambitions seront plus grandes…
A.L : Bien sûr, si on y va c’est pour gagner. Et je pense que les autres filles auront des choses à régler là bas, tout le monde est super motivé… On vit pour ça en réalité.
Hier et avant hier on a fait des entraînements où on ne touche pas du tout la balle mais où on court beaucoup. On ne le fait pas parce que cela nous plait. Si on le fait c’est parce que l’on sait que si on veut aller au Final 4 c’est nécessaire. Lors de certains matchs, où les deux équipes savent jouer au hand, c’est à l’équipe qui reste debout le plus longtemps… Et du coup ça va être nous, parce qu’on se donne à fond toute l’année.
Mais je ne veux pas me projeter, parce qu’avant de pouvoir gagner il faut déjà y aller.

LGM : Depuis le début de la saison, beaucoup de stratégies ont été mises en place par les coachs et on a le sentiment que lors des matchs tendus tout se joue entre la base arrière et le poste de pivot, au détriment des ailières. Est ce que c’est un constat que tu partages ?
A.L : C’est le quotidien des ailières ! (rire). On a tendance à oublier les ailières quand on joue vers le but. Mais c’est comme ça, c’est le quotidien de notre poste et il faut faire avec. Il faut rester concentrée tout le temps, faire croire aux feintes et quand on a le ballon faire en sorte de bien l’utiliser. Si on touche 4 ballons et qu’on ne marque pas…
Aussi, quand le coach met en place des tactiques pour que l’on joue vers l’extérieur ça ne veut pas toujours dire jouer pour les ailières, cela peut vouloir dire prendre les espaces entre 1 et 2… Mais si à la fin du compte si Mahé ou Louise (ndlr : Sajka et Burgaard) marquent, mon équipe gagne et c’est ce qui compte.

LGM : Tu partages ton poste avec Laura Flippes depuis quelques années, comment cela se passe avec elle sur le terrain et en dehors ?
A.L : J’ai l’impression que ça se passe très bien, on s’apprécie et on se complète. Nous ne sommes pas les meilleures amies, on ne part pas en vacances ensemble mais c’est très agréable de travailler avec elle et j’espère qu’elle trouve que c’est agréable de travailler avec moi. 
Il n’y a pas de concurrence particulière, on va ensemble vers le même but qui est de faire gagner l’équipe.
Je pense que sans elle je ne peux pas jouer parce qu’il me faut quelqu’un et sans moi elle ne peut pas jouer non plus. La preuve c’est que l’année dernière le club a dû prendre quelqu’un parce que seule c’était compliqué. Elle ne pouvait jamais souffler, discuter sur des points tactiques…
Au final je trouve qu’on se complète très bien et c’est agréable de travailler avec elle.

LGM : Justement, comment as tu vécu l’annonce de son départ la saison prochaine ?
A.L : J’ignore un peu toutes ces choses là. Je n’y pense pas… Je n’aime pas trop les départs et j’ai vu qu’il y avait plusieurs annonces mais je sais aussi que dans le sport du haut niveau c’est comme ça. Il y a des arrivées, il y a des départs. J’en ai déjà connu, j’ai des copines qui sont parties…
Le départ de Laura Glauser ça va me faire beaucoup de mal aussi parce que cela fait très longtemps qu’on est ensemble. Mais j’ai plus de recul maintenant, avec ma petite famille à la maison, ça aide.

 

LGM : Tu as rejoint le club en 2011 ce qui fait de toi une des joueuses les plus anciennes du vestiaire, qu’est-ce qui t’a autant plu à Metz pour y rester aussi longtemps ?
A.L : C’est une bonne question… A la base, ce n’était pas très loin de ma famille et je me disais qu’en cas de soucis je pouvais rentrer chez moi. Et en plus de ça c’était une équipe qui, à l’époque, gagnait tout en France et cherchait à exister en Europe. Il y avait un vrai défi, on travaillait pour quelque chose et à chaque saison on se disait « c’est cette année », avec de vrais objectifs de progression.
L’esprit ce n’est pas de jouer le championnat et de se dire qu’on gagnera peut être une fois. Chaque année il faut gagner le championnat pour accéder aux tours préliminaires de Ligue des Champions. Tout donner, c’est ça qui m’a plu.
Je savais qu’à Metz on gagnait beaucoup et gagner, j’aime bien. Ce n’était pas loin de ma famille et il y avait un vrai challenge. C’est ce qui m’a plu au début. Après j’ai découvert que c’est un vrai club familial, le handball vit vraiment dans cette ville et c’est extraordinaire. Tu es aimée par les gens parce que tu joues au handball et on t’accueille pour ça : que tu joues ou pas, que tu sois jeune ou pas, tu représentes la ville à travers l’équipe. J’ai aimé le club tout simplement et effectivement ça fait 9 ans et je pense que quand on est bien quelque part, pourquoi changer ? La seule chose qui me manque c’est la Ligue des Champions et je n’ai pas besoin de bouger pour ça, je peux rester ici et aller la gagner avec cette équipe. On construit un vrai truc et il y a tout ce qu’il me faut. Voilà pourquoi je suis à Metz depuis longtemps.

LGM : Cette ancienneté,d’ailleurs, t’a-t-elle donné une responsabilité vis à vis des plus jeunes ?
A.L : Une responsabilité, je ne pense pas… Quand je suis arrivée à Metz il y avait la culture des anciennes, des jeunes. Et je ne partage pas forcément cette culture, cet état d’esprit. Pour moi, jeune ou pas jeune, peu importe. On est toutes là et je peux apprendre des choses à une petite, mais une petite peut m’apprendre des choses. Je souhaite que tout le monde pense comme ça.
Parfois j’ai des responsabilités mais parfois c’est une plus jeune joueuse. Ce n’est pas une histoire d’ancienneté. Par contre j’ai plus d’expérience et je joue de ça pour donner des indices à gauche à droite…
Je peux citer je ne sais pas combien de joueuses de handball qui sont plus âgées que moi mais je ne les imagine pas avoir plus de responsabilités.
Je crois plutôt en l’échange que dans la hiérarchie.

 

 

LGM : Nous avons bien fait le tour de ton parcours et de ta perception du Metz Handball, nous avons à présent une question qui s’en écarte un peu. Il y a quelques années tu as choisi de quitter ta sélection Néerlandaise mais tu as dû suivre de très près leur sacre au mondial, quel est ton ressenti vis à vis de cette équipe ?
A.L : J’ai été soulagée. Les gens ne se rendent pas compte à quel point notre équipe nationale a souffert. On est une petite équipe, un petit pays, on a peu de moyens. A l’époque quand j’y étais encore on se bagarrait beaucoup pour avoir une médaille et on a tout donné. De très bonnes joueuses sont passées par là et ont fait, non pas des sacrifices, mais des choix pour cette équipe mais qui n’ont jamais réussi à faire des choses pour notre pays. Je parle de moi, de Nycke Groot, Yvette Broch, Sanne Van Olphen… Ce sont des filles qui ont fait beaucoup pour l’équipe nationale et aujourd’hui on est bien contentes que enfin, enfin, enfin… on gagne quelque chose. Et comme c’est avec mes coachs, c’est encore mieux ! Je suis heureuse pour eux mais surtout hyper contente pour notre pays et notre fédération parce qu’on a galéré. Les gens ne se rendent pas compte, ils se disent que les dernières années l’équipe était déjà bien placée, mais ce n’est pas ça du tout. Je me rappelle qu’on avait peu de moyen et 14 filles qui avaient tellement envie d’aller quelque part, ça aurait été dommage que cela ne serve à rien. Quelque part cette victoire c’est le travail de nous toutes, même si on n’a pas la médaille je pense qu’on a contribué à ce superbe exploit. Loin de moi l’envie de dire « grâce à moi… » mais il y a une vraie histoire qui s’est créée avec des filles et des gens bien qui sont passé par là et je suis contente qu’enfin ça se traduise en une médaille d’or.

LGM: Les gens ne sont pas toujours conscients qu’une réussite en équipe nationale c’est un travail au long cours, que ce n’est pas l’affaire d’une année réussie…
A.L : Oui, il y a eu plein de choses avant. Et je suis vraiment contente qu’on prenne enfin quelque chose. Je parle pour moi mais j’imagine que c’est la même chose pour les autres.
Quand tu arrêtes l’équipe nationale, tu sais pourquoi. Sauf si on te met à l’écart du groupe, où il peut y avoir de la rancœur. Mais quand tu choisis de t’éloigner tu sais pourquoi et je parle pour toutes les anciennes qui sont passées et en faisant ça on a laissé de la place pour que l’équipe puisse grandir et atteindre son potentiel.
Ensuite, si votre prochaine question c’est de savoir si ça m’a donné envie d’y retourner ou si je regrette mon départ maintenant que l’on sait qu’on va aux jeux… La réponse est : pas du tout.
J’ai aimé mon temps en équipe nationale, les Jeux Olympiques c’était extraordinaire et du coup tout le monde me dit « alors pour les jeux tu as pas envie de reprendre le maillot ? » mais comme je l’ai dit à Manu (ndlr : Mayonnade) quelques jours avant son départ au Japon: « si vraiment tu as des bras cassés, tu m’appelles et je viens. Mais avec ma famille ! » mais ça bien sûr c’est impossible, il faut faire des stages de préparation et tout ça. C’était plus de l’ironie qu’autre chose, j’irai surement visiter le Japon, mais pas en tant que sportive.
Avec mon frère on s’est inscrits dans la Holland Heineken House, où il y a des bénévoles. L’idée c’était que dès que j’avais fini Rio il fallait s’inscrire avec les bénévoles, c’était la fête… Mais mon activité ne me permet pas bien sûr de vraiment le faire. Je ne vais pas laisser ma petite ici pour aller faire la fête au Japon (rire).

 

 

LGM : Dernière question et retour au Metz Handball, vous affrontez Toulon St Cyr ce Dimanche, j’imagine que vous aurez à cœur de prendre ce match par le bon bout ?
A.L : On a toujours ça à cœur, même contre Nantes c’était le cas. Il ne faut pas croire qu’on avait envie de faire ce qu’on a fait. Je préfère dix mille fois ne pas marquer ce but et gagner de + 10, tranquille. Mais ce n’était pas le cas.
On va jouer notre jeu, se concentrer sur nous parce qu’on a eu beaucoup de pertes de balles des choses comme ça. On va remettre notre jeu en place et tout devrait suivre. Ensuite, le coach adverse est notre ancien entraîneur donc il nous connait un petit peu mais il n’y a pas de raisons pour lesquelles on ne ferait pas un bon match. 

 

Propos recueillis par : Matthieu Henkinet et Arthur Carmier
Crédit photo : Matthieu Henkinet

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