346 La formation est un rouage essentiel à Metz Handball, mais il arrive de voir certaines joueuses exploser ailleurs. Raïssa Dapina en est le parfait exemple. Nantaise depuis 2021 et formée chez les Dragonnes, l’ailière sénégalaise revient sur sa saison et nous raconte comme elle a construit une carrière professionnelle qui était loin d’être une évidence. Raïssa Dapina, les Neptunes de Nantes sont cinquièmes en Ligue Butagaz Energie. La saison n’est pas terminée mais quel est ton premier bilan collectif ?Nous sommes sur une saison un peu compliquée. Notre objectif était d’être dans le top 3. On ne va pas se cacher, c’était l’objectif du club et le nôtre aussi. Mais, Nantes n’a pas du tout le même collectif que l’année dernière, avec beaucoup de départs et d’arrivées. Nous sommes cinq nouvelles joueuses au club cette année. Donc, il faut le temps pour pouvoir créer un collectif fort, avec des objectifs forts au niveau du club. Nous sommes quand même un peu déçues de la finalité de cette saison car on misait gros, on voulait surprendre.On voulait aussi faire un résultat en coupe d’Europe car le club a été champion d’Europe l’année dernière. L’ objectif était d’y rester et on a été éliminées durant les phases de poule, sur un match qu’il fallait absolument gagner, où on était largement favorites. On s’est alors rabattues sur la Coupe de France, on espérait également faire un résultat mais finalement, on a été éliminées avant les demies-finales (ndlr : défaite face à Chambray 28-29). Cette saison n’a pas été facile pour nous sur le plan mental. Et individuel ? Sur le plan individuel, c’est plutôt positif car je quitte un club qui joue malheureusement la descente cette année (Fleury). J’ai fait mes armes dans ce club-là car j’ai signé mon premier contrat professionnel, j’y ai joué pendant 4 ans. J’ai eu des superbes années à Fleury où j’étais décisive. Je pense que cela m’a permis de signer à Nantes cette saison.Pour moi, cela a été vraiment révélateur sur le fait que j’ai encore des choses à prouver, avec la possibilité de pouvoir grappiller un peu plus de temps de jeu l’année prochaine, je l’espère. En début d’année, j’avais pas mal de temps de jeu mais à partir de janvier, la tendance a un peu changé. J’espère que cette année va nous servir pour rebondir correctement l’année prochaine et pouvoir atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Nantes est sur un nouveau cycle. L’année dernière, l’équipe a été championne d’Europe. Peux-tu raconter ton expérience en C2 (Ligue Européenne de Handball), teintée de la déception en phase de poule ? C’était ma deuxième expérience européenne car avec Fleury, on a fini troisièmes du championnat, il y a 2 ans, avant qu’il n’y ait le Covid. Le championnat avait été arrêté, il nous restait deux matchs donc soit nous étions quatrièmes, soit troisièmes. On a réussi à obtenir une place européenne. Malheureusement, nous n’avons pas pu avoir un collectif complet, nous avions des blessures avec une poule assez relevée. Nous ne sommes pas parvenues à sortir du tour principal… Je n’ai pas réussi à quitter les phases de poules pour mes deux premières années. C’est ma deuxième expérience donc, c’était un peu mieux avec Nantes par rapport à Fleury où nous avions gagné zéro match. Une formation enrichissante Fleury, c’est un historique du Handball français qui est dans le dur cette année. On peut dire que c’est là-bas que tu as grandi d’une certaine manière ?Après mon année à ATH (Achenheim Truchtersheim Handball), j’étais déjà en équipe du Sénégal depuis 2016. J’avais fait de bonnes compétitions avec le Sénégal donc cela m’a permis d’avoir une visibilité un peu plus élargie et j’ai pu signer mon premier contrat professionnel à Fleury. Ma première année était un peu en dents de scie car je venais d’arriver dans une division que je n’avais connue qu’un tout petit peu à Metz. Mais je n’avais pas eu autant de temps de jeu que ça, j’étais jeune.Donc j’ai appris un peu plus à grappiller du temps de jeu, en étant efficace sur le temps qu’on me donnait. Et pour les trois années, j’étais titulaire donc ça s’est très bien passé. J’ai fait deux bonnes saisons où j’étais dans le top 15 donc j’étais très contente. Puis la dernière année fût un peu plus compliquée. Il y a eu pas mal de rebondissements par rapport à l’équipe, par rapport à nos résultats, pas rapport au coaching. Mais ça m’a permis d’avoir cette opportunité de signer (à Nantes) donc je suis très contente de ces quatre années à Fleury. J’ai grandi avec l’équipe, j’ai progressé et j’ai eu la possibilité de faire mes armes avant de partir. Avant de faire ta place dans dans le monde professionnel, tu as donc eu cette expérience en Alsace, après avoir terminé ta formation à Metz Handball. Qu’en as-tu retenu ?Ça m’a appris à me gérer un peu plus solo car c’était ma première année en tant que joueuse qui sortait du centre de formation. Mon objectif était de pouvoir être dans cette équipe et de faire partie de l’équipe qui jouait la montée en deuxième division mais malheureusement, on n’a pas été à la hauteur de ce qu’on espérait. On a fini 2èmes ou 3èmes. Mais ça m’a permis de prendre un peu plus de risque dans une équipe où j’étais leader du groupe. Je gérais mes études en même temps donc j’avais ce double-projet avec la N1 de ATH. C’était une année durant laquelle je me cherchais, j’essayais de comprendre où je devais aller et si j’avais encore l’opportunité de pouvoir aller dans une équipe compétitive, de faire du haut niveau. Comme beaucoup de joueuses qui sont passées par des gros centres de formation, tu es passée par les divisions inférieures. Comment est-ce qu’on arrive à rebondir après la formation quand on est obligée de descendre d’un échelon ? (Réfléchit) Je ne dirais pas que cela a été compliqué car j’ai eu des périodes très compliquées quand j’étais au pole et en centre de formation. J’ai eu des grosses blessures, ça commençait à faire beaucoup. Je fais partie de ces personnes sur qui on n’avait pas misé une seule pièce. Donc je savais que je devais me bouger toute seule. Je me suis dit « C’est moi et moi–même« .Cette année-là, je pouvais rester dans ce club et grandir en ne sachant pas réellement si j’avais le potentiel de pouvoir viser la deuxième division voire la première division. Je me disais donc qu’il fallait que je me donne vraiment les moyens de gérer cette pression pour continuer à progresser ; avoir les clés pour la performance. C’était vraiment une année de transition pour moi mais ce n’était pas facile. Que t’a apporté Metz Handball dans son ensemble malgré les saisons compliquées avec les blessures ? Cela m’a montré que tout ne peut pas être vert partout. Metz a une très grande capacité pour former de nombreuses joueuses. Et je me suis vraiment rendue compte en arrivant à Fleury aussi que j’étais très contente d’avoir pu faire ma formation à Metz. Ma formation a été complète, je savais me gérer toute seule en partant. Metz fait partie des meilleurs centres de formation… A mon époque, c’était LE meilleur centre de formation en France. Metz Handball fait toujours partie des meilleures équipes en France et reste premier depuis des années. Donc, je suis très fière d’avoir pu faire mon centre de formation à Metz car je pense que c’est une chance. Et, ça m’a permis de me structurer aussi. Ça ne m’a apporté que du positif. Ce sont mes meilleures années. Est-ce qu’il y a des joueuses qui t’ont marquée pendant cette période à Metz Handball ? Déborah Kpodar avec qui je joue à Nantes cette saison ; Alexandra Gonigam et Aissatou Dabo car ce sont des filles que je connais depuis l’âge de 13 ans et que je considère comme des sœurs. Je pourrais aussi citer Fiona Carrara, que j’ai connu à Metz Handball. Également, Hawa N’Diaye que j’ai appris à connaître tout au long de mes années de centre et en sélection du Sénégal. Puis Lindsay Burlet avec qui j’ai passé de bons moments. Je n’ai eu que des bonnes rencontres dans le centre de formation. Des filles avec qui je parle encore aujourd’hui. J’ai eu pas mal d’amitiés fortes grâce à ça. Et dans l’équipe actuelle de Metz Handball, tu as des contacts avec certaines joueuses ? Oui, je suis en contact avec Méline (Nocandy), Laura et Orlane Kanor car durant ma dernière année de centre de formation, j’étais avec elles et je m’entends très bien avec. Tamara (Horacek) aussi… J’ai vécu beaucoup de choses avec elle quand j’étais en sport-étude. Et, Bruna de Paula avec qui j’ai partagé deux belles années à Fleury. Il y a pas mal de filles que je connais qui sont soit revenues à Metz, soit restées dans la structure du club. J’ai vraiment une attache avec ce club. Et tu te verrais revenir un jour ici ? Si j’ai cette opportunité, oui, je la prends. C’est mon club formateur, c’est un club qui a toujours visé l’excellence et pour tout athlète l’excellence, c’est le Graal finalement. Donc, si j’ai cette opportunité… Je ne sais pas si ce sera possible un jour, mais si c’est le cas, oui, clairement, je prends cette opportunité en compte. « Je devrais me faire un peu plus plaisir et sortir du projet. » Pour en revenir à Nantes, tu partages ton poste avec une des meilleures du monde, Nathalie Hagman. Que t’apporte cette joueuse au quotidien ? On est très différentes donc c’est assez déroutant mais c’est ce que je voulais. Pouvoir être en binôme et en concurrence avec une joueuse qui a un gros palmarès. A Fleury, j’étais titulaire et j’avais des jeunes derrière moi. Je ne dis pas que c’était plus facile mais je trouve qu’on se bouge un peu plus quand on a une grosse concurrence devant nous. Je suis très contente car c’est vraiment la doublure que je voulais. C’est une fille saine, droite dans ses bottes, qui sait ce qu’elle veut et qui sait aussi gérer la doublure qui est avec elle. Ce n’est pas une concurrence malsaine, j’apprends beaucoup avec elle et sur son style de jeu. C’est quelqu’un qui a fait énormément de compétitions internationales. Moi, je suis un petit poucet : j’ai fait trois Coupes d’Afrique des Nations et un Mondial mais c’est une fille qui a participé à des JO, qui a été la meilleure à son poste sur des JO. Je suis très contente de pouvoir faire partie de cette paire à l’aile droite. Et ça m’a permis de mettre de la rigueur sur ce que je voulais, même si je n’ai plus énormément de temps de jeu. Mais sur les ballons que j’ai, j’essaie d’être efficace. Je suis très contente de ça pour le moment. Puis, c’est une immense buteuse à ce poste-là, on a envie de s’en inspirer.C’est ça. C’est vraiment une grande attaquante (rire). Les observateurs trouvent que tu es assez solide en défense mais parfois, tu n’oses pas assez en attaque. Penses-tu que ce sont les axes de progression que tu dois travailler dans ton jeu ? Je ne pense pas que ce soit une question de « Pas oser« , mais plutôt que je n’ai pas assez d’opportunités donc c’est compliqué. Malheureusement pour moi, vu qu’en défense je me donne beaucoup, j’ai tendance à moins me projeter en contre-attaque que Nathalie Hagman. C’est aussi ça notre différence. Et le fait d’avoir moins de ballons ne permet pas d’avoir de visibilité en attaque, donc c’est un peu plus ça qui me manque. Peut-être aussi que je suis un peu trop scolaire car je veux surtout bien faire. Mais c’est vrai que les opportunités manquent à mon poste, depuis le début de l’année. C’est juste un point que je me suis mis en tête pour me dire qu’à certains moments, je devrais me faire un peu plus plaisir et sortir du projet. Je trouve que ce n’est pas une mauvaise chose de sortir du projet quand c’est justifié. Je dirais que c’est peut-être ça l’axe de travail. La sélection du Sénégal, une immense fierté Au-delà de ta carrière en club, tu es aussi une Internationale. Tu as été dans l’équipe du Sénégal vice-championne d’Afrique en 2016, n’est-ce-pas ? Oui. On a eu malheureusement un mauvais parcours en 2016, c’était ma première CAN. En effet, on avait été disqualifiées juste avant la finale alors qu’on devait affronter l’Angola. La Tunisie avait porté recours contre nous car elle nous a accusées d’avoir fait jouer une joueuse qui avait fait des piges en équipe de France junior, 2 ans ou 2 ans et demi avant donc on n’était pas dans les règles. Sachant que celle-ci est de ne pas jouer pour une équipe nationale pendant trois ans pour pouvoir changer. Ils se sont servis de ça pour nous disqualifier de la compétition. La règle est floue sur les juniors et ça a fonctionné. Peux-tu nous parler de la fierté de représenter ce maillot ? C’est simple. C’est ma vitrine, c’est ma famille, mes origines donc d’avoir eu cette opportunité dès 2016, je n’ai aucun regret. J’ai eu de très bons moments avec l’équipe de France cadette et jeune mais ça s’est vite mis en suspens à cause de mes blessures. Ca a été des années un peu compliquées pour moi. Mais je me suis dit pourquoi pas partir sur une autre opportunité que l’équipe de France sachant que j’ai la double nationalité. Il y avait un beau projet avec Fred Bougeant qui venait comme nouvel entraineur donc ça allait être un projet très sérieux. Je me suis demandée pourquoi pas participer à cette aventure-là et voir ce que ça va donner sur les quatre années où il a a signé. Cette sélection m’a apportée que du plus. Je pense que c’est la clé de pourquoi je suis professionnelle aujourd’hui. J’ai vraiment grandi avec la sélection, j’ai grandi tout le long de mon parcours. Ca permet de rester compétitive en club et en sélection quand je pars. Tu avais côtoyé Hatadou Sako en sélection ?Oui. On avait commencé ensemble. Ensuite, elle a fait le choix de quitter la sélection, c’est son choix propre à elle. Mais on a vraiment vécu de belles années. Quatre belles années. On avait une équipe très compétitive et on a fait un Mondial. On a plu aux équipes européennes et elles étaient très surprises de ce qu’on produisait donc c’est très intéressant. Elle est comment dans le vestiaire ?Hatadou est une boule d’énergie. Elle a beaucoup d’énergie à revendre, c’est un point fort dans une équipe. C’est quelqu’un de bienveillant. C’est une fille qui saura dire les bons mots à certaines et je pense que c’est vraiment un atout majeur pour une équipe. Et, elle était notre atout majeur en équipe nationale. Photo : Matthieu Henkinet/LGM Parlons justement de ces compétitions mondiales que vous avez pu disputer. Tu te frottes au gratin du Handball mondial, ça doit être magique à vivre. Je pense que c’était ma meilleure expérience pour une première compétition, je l’ai très bien vécue. Pouvoir jouer contre les meilleures joueuses du monde… On a quand même joué contre le Monténégro, la Hongrie, l’Espagne, ce sont de grosses équipes. Et moi, ce qui m’a fait réellement plaisir, c’est qu’on n’a pas été ridicules. On a perdu de 5-6 points à chaque fois et c’était par manque de rotation. Les équipes avaient peur de nous. C’était vraiment une belle compétition. Tu es en équipe nationale depuis 2016 et à chaque fois, tu as progressé. En 2021, tu as fini dans le sept majeur de la Coupe d’Afrique des Nations. Raconte-nous cette compétition. Ca été révélateur pour moi car je sortais d’une année difficile avec Fleury. J’en attendais beaucoup, me concernant, individuellement. Je m’étais préparée pour ça. Je m’étais préparée pendant deux mois pour être en forme à la CAN car ça représente énormément pour moi. Mais je suis triste car on n’a pas fait un bon résultat. On a fini cinquièmes donc c’était vraiment une contre-performance par rapport à ce qu’on espérait. On avait vraiment dans le collimateur de finir en finale, de pouvoir jouer contre l’Angola et de pouvoir gagner contre l’Angola. Et on est complètement passées à coté de notre compétition, malheureusement. Mais pour ma part, c’était la meilleure compétition que j’ai faite. La meilleure CAN que j’ai faite individuellement. Quelles sont les échéances avec la sélection ? En 2022, on a la CAN au Sénégal. En novembre. Cruciale pour nous. Ca va être difficile car toutes les équipes nationales commencent à s’alimenter en nouvelles joueuses donc ce sera révélateur pour nous aussi. Une CAN à la maison, ça se vit une seule fois donc je me prépare à fond pour cette coupe d’Afrique. Je suis impatiente de pouvoir la gagner. Si vous la gagnez, vous décrochez une potentielle qualification pour les JO ?Je pense que c’est encore comme ça. Avant ça l’était mais je ne sais pas si c’est d’actualité. Il y a 3 ans, on avait un tournoi de qualification olympique. Il y avait l’Angola, le Cameroun, la République Démocratique du Congo et nous. Je ne pense pas que la première place nous permette d’aller aux JO directement. Il faudrait que je me renseigne mais il me semble qu’il y a les Tournois de qualification Olympique aussi. ** En 2018, l’Angola, le Sénégal, la République Démocratique du Congo et le Cameroun avaient obtenu un ticket pour le Tournoi Africain de qualification Olympique. En Septembre 2019, l’Angola s’était directement qualifié pour les Jeux Olympiques de Tokyo. Le Sénégal devait disputer un TQO avec l’Espagne, la Suède et l’Argentine. Malheureusement, en Mars 2021, le Sénégal renonce à ce tournoi en raison d’une crise sociale et économique touchant le pays. C’est dans deux ans maintenant. Ce serait incroyable de vivre des JO avec une de tes patries et pas loin de chez toi car tu es parisienne. Oui, je suis parisienne et j’ai de la famille là-bas. Puis c’est en France donc je serais tellement fière de pouvoir représenter mon pays, mes origines en même temps qu’être en France. Je suis Française aussi, je suis née en France donc mes deux pays dans une compétition, c’est quand même bien. J’espère vraiment qu’on aura cette opportunité de pouvoir faire une belle Coupe d’Afrique et de voir par la suite ce que ça va donner. Et, voir les ambitions du Sénégal à ce moment-là. Que pouvons-nous te souhaiter pour la suite de ta saison, de ta carrière ?Beaucoup de réussite. Que du plus. Du plaisir car parfois, on a tendance à oublier qu’il faut se faire plaisir quand on est sportif de haut niveau. Pouvoir garder le cap, continuer à progresser, c’est important. Largement battues à l’aller , les Neptunes de Nantes et Raïssa Dapina retrouvent Metz Handball, le 18 Mai, aux Arènes de Metz, pour le compte de la 25ème journée de Ligue Butagaz Energie. Propos recueillis par Arthur Carmier.Crédit photos : DR (fournies par la joueuse)