479 Véritable légende du basket français, Florent Pietrus a rejoint les Metz Canonniers à l’été 2020 pour écrire le dernier chapitre d’une vie de joueur bien remplie. L’intérieur s’est confié à Let’s Go Metz sur sa carrière, de ses débuts en fanfare à Pau en passant par ses épopées mémorables en Equipe de France. Entretien. Florent Pietrus, vous avez décidé de prendre votre retraite professionnelle à l’été 2020 pour rejoindre les Metz Canonniers en Nationale 2. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?C’est un choix familial avant tout. Cela m’a permis de me rapprocher de mes enfants qui étaient à Nancy. Le projet de Metz m’a également séduit ! Même si j’avais mis un terme à ma carrière professionnelle, j’avais envie de continuer à prendre du plaisir sur le terrain. Venir ici alliait le côté famille et la passion du basket.J’imagine que vous ne regrettez pas. Quel est votre ressenti sur cette 4e division française ?Pour être honnête, je suis agréablement surpris par le niveau de jeu. On a tendance à sous-estimer le niveau amateur mais ça développe un beau basket avec de l’intensité, même si ce n’est pas comparable au niveau pro bien sûr. Je suis vraiment content de continuer à prendre du plaisir sur le terrain dans ce contexte. « Prendre du plaisir », le leitmotiv de Florent Pietrus Vous êtes sur une bonne dynamique avec 9 victoires consécutives en Nationale 2 (ndlr : Interview réalisée avant la 10ème victoire d’affilée des Canonniers à Holtzheim). Vous avez pourtant connu un début de saison compliqué. Quel est le sentiment avant d’aborder le sprint final de la saison ?Etre en mode sprint final justement. Il va falloir aborder tous les matchs avec le plus grand sérieux. On est sur une série, ça nous a donné confiance mais on a vu que si on ne mettait pas tous les ingrédients sur tous les matchs, on peut se faire surprendre comme en Coupe à Loon-Plage. C’est une piqure de rappel, on va entamer ce sprint final où tous les matchs seront disputés.Individuellement vous faites du Flo Pietrus, défense, altruisme… Vous scorez aussi votre plus haute moyenne de points depuis 7 ans (8,4pts par match). On m’a dit que vous vous en fichiez des points mais au fond, ça doit quand même faire plaisir de voir la ficelle trembler ?Non même pas franchement ! Le basket ce n’est que du plaisir, je ne cherche plus à briller sur un terrain. Ce ne sont pas mes performances qui vont conditionner mon futur. J’essaye juste d’apporter mon expérience à mes coéquipiers et prendre du plaisir en gagnant ! Que je mette 20 points ou 0 point, ça n’a plus grande importance. L’après-carrière de Florent Pietrus En dehors du terrain, vous avez entamé une formation de directeur sportif, vous avez également vos diplômes d’entraineur. Cela se passe bien pour vous ?Cela se passe bien ! J’essaye d’avoir le plus de bagage possible. Sur le terrain, tu n’as pas forcément conscience de ce qu’il se passe dans les bureaux. Maintenant, je sais ce qu’un coach pense, ce qu’un dirigeant fait… Cela me permet de prendre du recul et comprendre comment fonctionne un club de l’intérieur. J’espère un jour être à la tête d’un club, je pense que c’est fait pour moi. J’ai les épaules et l’expérience pour ça.Vous avez toujours souhaité continuer dans l’univers basket après la fin de votre carrière ? Plus comme directeur sportif que comme coach ?En étant sur les terrains et en déplacement pendant plus de 20 ans, je cherchais plus de stabilité. Même si j’ai la fibre de transmettre, sur des camps, des entraînements ponctuels, entrainer toute une année me paraissait compliqué. Être directeur sportif, je pense que j’ai le caractère et la crédibilité pour, ce métier sera fait à 100% pour moi. C’est parti pour durer longtemps cette vie d’étudiant/joueur de Nationale 2 ?Normalement, je serai diplômé fin juin. Il faudra voir si je continue à jouer ou pas. Pour l’instant faire un choix définitif n’est pas d’actualité, j’essaye de prendre les choses comme elles viennent. Je prendrai une décision fin juin. Des débuts en fanfare à Pau Florent Pietrus sous le maillot de Pau (Photo : Pascal Guyot/AFP) Revenons à votre carrière professionnelle Florent. Vous débarquez à Pau-Lacq-Orthez en 1997. Votre petit frère Mickaël suivra la marche un an après. Vous allez passer pro et gagner 3 titres de champions de France. Quel début de carrière !C’est vrai qu’on a eu un début de carrière assez monumental. Personne ne nous attendait. Je me rappelle le président Seillant qui disait qu’on était en année de transition. Sauf que l’année de transition s’est transformée en année de titre de champion de France ! On a vraiment été mis dans le bain et responsabilisé très tôt, c’est ce qui nous a permis de faire la carrière que l’on a fait. Je suis vraiment reconnaissant de ce que Pau m’a offert. Je me suis donné les moyens aussi d’aller chercher mes minutes, mes titres. On va dire que c’était un pari gagnant pour les deux parties ! Comment avez-vous été repéré par Pau ?Mon grand frère Ronnie Coco jouait déjà à Pau. C’est par ce biais là qu’on est arrivé là-bas, Mike et moi. On avait déjà un pied à Pau mais bien sûr, ce n’était pas suffisant. Si on n’avait pas la rage et la détermination, on n’aurait pas pu y percer. Encore une fois, on a été cherché nos minutes et nos titres, on ne le doit qu’à nous-mêmes. Votre frère Mickaël et Boris Diaw s’envolent pour la NBA en 2003, dans une des plus belles drafts de l’histoire. Comment réagit-on quand on voit ses frères d’armes, avec qui vous étiez déjà international français, partir aux USA ?C’était déjà une fierté par rapport à Mickaël ! Quand tu vois ton petit frère jouer dans la meilleure Ligue du monde, ça ne peut que te rendre fier. Il a su faire parler le nom Pietrus aux USA, moi en Espagne, ce n’est que de la fierté. Concernant Boris, c’est un ami qui compte pour moi. Forcément, j’étais vachement content pour lui. Quand on voit la carrière qu’il a eu la NBA, on ne peut être qu’heureux !Vous pensez que vous auriez pu avoir votre chance en NBA ?Quand ils sont partis, non. Aujourd’hui, je pense que oui parce que le jeu a vachement évolué. Toutes les équipes jouent un basket plus rapide, plus petit. A mon époque, les intérieurs faisaient 2m08-2m10 minimum. Il m’aurait été impossible de percer là-bas. Mais je ne regrette rien car j’ai eu une très belle carrière, je suis vraiment content de ce que j’ai produit en Europe. Je ne peux être que fier de ce que j’ai fait. Florent Pietrus, un incontournable des Bleus Photo : DR Vous rejoignez effectivement le beau championnat espagnol et Malaga en 2004. Vous passez 10 saisons en Liga, dans 4 clubs différents, et vous raflez 3 titres majeurs (Liga 2006, Coupe du Roi 2005, Eurocup 2010). Racontez-nous ça !Oui tous les titres possibles (Sourire) ! Je ne me plains pas du tout de mon parcours car après la NBA, c’est l’Espagne le plus gros championnat du monde. C’est le plus beau championnat en Europe, remporter la Liga n’est pas une mince affaire. Forcément, si je l’ai gagné c’est que j’étais dans une grosse équipe et que j’avais le niveau pour y être. Je suis content de mon parcours en Espagne car j’y ai gagné beaucoup de titres et à la fin, c’est ce que l’on retient. Bien évidemment, qui dit Flo Pietrus dit Equipe de France. Vous portez le maillot Bleu à 230 reprises de 2000 à 2016. Vous avez été un incontournable de quasiment toutes les belles campagnes de cette génération dorée…Même les moins glorieuses, mais je pense qu’il a fallu ces mauvais moments pour nous faire grandir en tant qu’équipe. C’est 15-20 ans de vie en Equipe de France. On ne rend pas compte des efforts qu’il faut pour enchainer chaque saison, chaque été… Mais on le fait parce qu’on aime ce maillot, on voulait vraiment gagner un titre avec cette équipe. C’est pourquoi on était présent chaque année, on savait qu’on n’allait vivre ça qu’une fois dans notre vie. Être en Equipe de France c’est un privilège, on se doit d’être présent chaque été si le physique le permet. Après de nombreuses campagnes au dénouement cruel, d’autres avec des médailles, vous décrochez enfin le Graal avec l’or à l’Eurobasket 2013 face à la Lituanie en finale. Racontez-nous vos émotions après ce grand moment du basket français !C’est une quête au Graal qui durait depuis 2005 et cette désillusion en demi-finale contre la Grèce. On avait cet objectif là de remporter l’Euro un jour. Après 2013, on ressentait vraiment un soulagement. On attendait depuis tellement d’années que sur le moment, on ne réalise pas qu’on gagne le championnat d’Europe. En plus avec la demi-finale contre l’Espagne… C’était un soulagement de battre cette équipe, après ce match là, je savais qu’on allait gagner. On était tellement motivés, on avait le trophée au bout des doigts… On ne pouvait pas faire autrement ! L’Eurobasket 2013 c’est effectivement cette demi-finale contre l’Espagne… Vous êtes menés 34-20 à la pause, vous n’y êtes pas du tout. Et là, moment d’histoire, cette mi-temps et le comeback…Franchement, c’est l’un des plus beaux comebacks de l’histoire du basket français. Ce n’était pas une mince affaire contre notre rival de toujours, l’Espagne. On était au fond du trou et on su trouver les ressources nécessaires pour repartir au combat en deuxième mi-temps. On a fait le combat qu’il fallait, contre le meilleur adversaire possible. Cela restera un très très beau souvenir de basket. « Après 2013, on ressentait vraiment un soulagement » L’émotion de Florent Pietrus et Tony Parker. (Photo : AFP/ARCHIVES – JURE MAKOVEC) C’est votre plus beau souvenir en Bleu cette médaille d’or en 2013 ?La finale en elle-même non car on l’a maitrisée de bout en bout. C’est surtout l’émotion ultime que je recherchais qui est belle. En Equipe de France, il n’y a pas mieux. Quand tu gagnes avec ton pays, en sachant qu’on a eu un parcours semé d’embuches… C’est vraiment l’émotion ultime.Il y aussi ces deux campagnes olympiques (Londres 2012, Rio 2016), racontez-nous vos souvenirs de JO.En 2012 (ndlr : ses premiers JO), quand tu arrives là, tu te dis « wow » ! Tu es sur une autre planète, tu es privilégié de pouvoir disputer les Jeux Olympiques. Les athlètes que tu vois à la télé, tu les retrouves à côté de toi. C’est là que tu te rends compte que tu as un privilège immense. Côtoyer ce genre de sportifs et faire partie d’un évènement planétaire. Même si on a rien ramené, ça reste un des plus beaux souvenirs de ma carrière. Photo : Icon Sport Vous avez été barrés deux fois par l’Espagne aux JO. Est-ce qu’aujourd’hui en 2022 on a encore le droit de « hate » la Roja ? (Ndlr : question posée sur le ton de l’humour)(Sourire) Non, ça fait partie d’une rivalité avec des beaux matchs de basket. Je les remercie même car ils nous ont poussé à nous améliorer année après année. Pour nous battre, ils devaient jouer leur meilleur basket. C’était un échange mutuel. Ils ont peut-être plus gagné que nous mais tout le monde en est sorti grandi. Quel est le plus grand regret de votre carrière internationale ?Peut-être ne pas avoir remporté une médaille olympique. Ils l’ont eu à Tokyo, même si on (ndlr : la génération Parker, Diaw, Pietrus) n’était pas dans l’équipe. L’été dernier, quand ils ont ramené la médaille, je me suis senti concerné aussi. C’est une histoire de famille l’Equipe de France, j’étais content pour eux. On veut que le basket français reste au plus haut, chaque génération a fait sa part. Quel est votre regard sur l’Equipe de France actuelle ? Une vraie belle génération a pris le relai de la vôtre.On a toujours rêvé d’avoir une Equipe de France compétitive, et celle-ci, elle l’est. Paris 2024 arrive, ils ont deux ans pour bien se préparer et briller en France. On n’a rien à envier à qui que ce soit. Un retour en famille en France Mickaël et Florent Pietrus, de retour en France après avoir baroudé en NBA pour l’un et en Espagne pour l’autre. (Photo : DR) On va revenir sur les clubs. En 2013 le champion d’Europe Florent Pietrus quitte l’Espagne et retourne en France. Direction Nancy et la Pro A, où vous avez même pu rejouer une saison avec votre frangin Mickaël ! Comment ça s’est fait ce retour ?Assez simplement ! J’arrivais en tant que champion d’Europe, je vous laisse imaginer l’accueil… J’étais parti depuis près de 10 ans en Espagne, revenir en France c’était important pour moi. J’étais vraiment content de retrouver le championnat français et « ramener de la lumière » à mon échelle à la Pro A. Vous avez fait Nancy (2013-2015), Strasbourg (2018-2019) puis Metz depuis 2020. Qu’est-ce que vous aimez tant dans le Grand Est ?Le froid (Rires) ! Avoir les 4 saisons en une seule journée aussi. Nancy, Strasbourg puis Metz, c’était la suite logique. On va dire que le destin a bien fait les choses. Vous êtes un heureux papa Florent. Votre fiston a notamment fait ses grands débuts en pro avec Strasbourg. Quelle fierté cela doit être !Oui c’est une fierté ! Je suis vraiment content pour lui car il se donne les moyens, il est investi dans le basket. Il a vraiment envie de percer. Il commence très tôt (ndlr : Illan Pietrus a 16 ans) mais il sait que le chemin est encore très long. Ce sera à lui de continuer à progresser et travailler. Est-ce qu’il sera plus scoreur que son père ?Ah ça c’est sûr (Sourire) ! Il aura son chemin à lui, je serai là pour l’aider et le conseiller au maximum. Vous suivez les autres sports à Metz ? On vous a déjà aperçu plusieurs fois aux Arènes lors des matchs de Metz Handball.Oui ! Tamara Horacek est une amie de longue date. J’aime aller voir le hand, j’aime aller voir le foot. En tant que passionné de sport, j’essaye de suivre les actualités sportives à Metz. Cela vous arrive de discuter Jeux Olympiques avec Tamara Horacek ?(Sourire) On a fait Rio 2016 ensemble ! On parle de tout et de rien. Forcément, j’ai suivi le parcours des Bleues aux JO de Tokyo (ndlr : médaille d’or). C’est une très belle chose pour le sport collectif en France. Hand, basket, volley, on a ramené de très belles médailles ! Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite Florent ?Pas grand chose. A l’heure actuelle où on est en train de sortir d’une épidémie, simplement la santé. Le reste, je me démerderai pour l’obtenir comme je l’ai toujours fait (Sourire). Crédit photo : Matthieu Henkinet/LGM (Pietrus sous les couleurs de Metz et Horacek)