403 Un assistant coach NBA était en visite à Metz ! Membre du staff des Detroit Pistons, Elliott De Wit a démarré le coaching à Poissy avec un certain Anthony Tomba, l’entraîneur des Canonniers. Le technicien français nous parle de son ascension aux Etats-Unis. Une aventure qui l’a amené à vivre la mythique March Madness, le Final Four de la NCAA, et conduit à la NBA. Entretien. Elliott De Wit, qu’est-ce qui amène un assistant coach de NBA à venir comme cela à Metz ?Je suis ici pour plusieurs raisons. La première raison est que le nouveau coach de Metz Anthony Tomba est un ami depuis une dizaine d’années. On a travaillé ensemble par le passé, à Poissy, en banlieue parisienne, en Nationale 3. On est toujours restés en contact. Je suis une personne qui croit énormément aux relations, à l’échange et au partage. Anthony a toujours été dans ces valeurs là. Donc, on s’est tout de suite très vite entendu et on est restés en contact depuis nos départs de Poissy. On essaie de se voir quand je rentre en France et les deux fois où je suis venu à Nancy ou à Metz, c’était pour Anthony. Voilà la raison de ma venue : Anthony et évidemment, le fait d’avoir l’opportunité de rencontrer de nouvelles personnes, de partager puis échanger sur le terrain avec de nouveaux joueurs. Tu as travaillé pour lui quand tu étais son assistant à Poissy, à 16-17 ans. Quel type d’entraineur est Anthony Tomba dans tes souvenirs ? Oui, j’avais 17 ans à Poissy, j’étais en apprentissage. Anthony en tant qu’entraineur est quelqu’un de très juste, très droit et très dur. Mais il reste juste, donc c’est pour ça que ça fonctionne. C’est un entraineur qui a eu beaucoup de succès par le passé et qui va réussir ce projet, ici, pour avoir de très bons résultats, et être en haut du tableau pour jouer la montée. Je pense qu’il a un groupe qui possède de l’expérience avec un potentiel très intéressant. J’ai eu la chance de travailler avec quelques joueurs qu’il a signés maintenant. Je pense qu’en tant que coach, il va apporter de la discipline à ce club et à cette équipe. Cette intensité et ce sérieux ne peuvent qu’aider ce projet de montée en Nationale 1. Peux-tu nous parler des joueurs de cette équipe avec qui tu as travaillé par le passé ?Oui, je pense que le plus gros serait Loïc Akono avec qui j’ai eu l’occasion de travailler quand il était à la JSF Nanterre. On s’est revus à Orléans quand ils sont montés de Pro B. On partage les mêmes valeurs. Il est humainement génial, énormément dans la communication et dans l’échange. J’ai beaucoup appris en tant que coach. J’espère qu’on a pu apprendre de chacun et avancer ensemble. Cela fait plaisir de le revoir. Apprendre qu’il est ici en Nationale 2 pour aider le club dans ce projet de Nationale 1… Je pense que c’est la bonne personne pour remplir cette mission aux côtés d’Anthony. Elliott De Wit : « Anthony va apporter de la discipline » Anthony Tomba, l’entraîneur des Metz Canonniers. (Photo : Vincent Eblinger/Metz Canonniers) Tu avais 20 ans quand tu es parti aux Etats-Unis. Peux-tu décrire ton parcours dans les différentes universités que tu as fréquentées ?Quand j’étais joueur, j’ai toujours pensé et voulu partir aux Etats-Unis pour jouer. Mais en réalité, je n’étais pas bon et je me suis blessé donc ce n’était pas possible. J’ai rencontré une personne qui est un mentor et un père de cœur pour moi, Parham Moili. Ce dernier m’a pris sous aile très tôt quand j’entrainais à Versailles, à 18 ans. Il a joué aux USA où il a fait son cursus universitaire et maintenant, il accompagne énormément de jeunes joueurs et coachs en France. C’est pour cela qu’il m’a beaucoup aidé et expliqué que je pouvais y aller en tant que coach. Il m’a donc préparé entre mes 18 ans et mes 20 ans, et je suis parti aux USA à travers son accompagnement et son suivi. En ce qui concerne mon parcours aux Etats-Unis, je suis d’abord allé à Berkeley, à San Francisco. J’ai travaillé pour Cuonzo Martin pendant 4 mois en tant qu’étudiant-assistant. Ensuite, je suis parti à Frank Philipps College qui est dans le Texas. Pendant 2 ans, j’étais assistant puis je suis allé à Texas Tech durant 3 ans. J’ai obtenu mon Master, je suis passé coordinateur-vidéo et j’ai eu cette opportunité de rentrer en NBA avec les Detroit Pistons, en 2020. J’ai terminé ma 2ème année et ce sera ma 3ème année avec eux, en 2022-2023. Ta particularité donc, c’est que tu étais dans le staff d’une équipe NCAA mais tu passais en même temps ton Master. Comment arrive-t-on à jongler avec ces deux composantes de la vie d’un jeune homme ? C’est vrai que c’est une organisation à avoir qui n’est pas facile. Il faut avoir une certaine discipline, il faut connaitre ses priorités pour les mettre en place. C’est une chose qui était difficile à gérer mais qui est devenue l’une de mes forces, être vraiment organisé pour pouvoir réaliser mes objectifs. J’ai été et je suis encore en mission. Aux Etats-Unis, les joueurs sont dans le même cas dans le sens où ils vont à l’école le matin et s’entrainent l’après-midi. Quand on est étudiant-assistant, c’est un peu le même cas de figure. Mais le soir, on travaille beaucoup. J’ai eu la chance d’avoir énormément de solidité et la confiance du coach. J’avais forcément moins de temps pour l’école car je devais gérer la vidéo et les entrainements individuels; donc ça été très compliqué à gérer mais ça s’est très bien passé. Aux USA, le système est beaucoup plus adapté pour le sportif. L’académie et les professeurs s’adaptent à l’Athlète de manière générale et ça rend les choses beaucoup plus faciles. « Jouer dans un stade de football américain, l’un de mes plus beaux souvenirs » Elliott De Wit et Texas Tech ont participé au Final Four de la NCAA en 2019, à l’U.S. Bank Stadium, antre des Minnesota Vikings en NFL. (Photo : DR) La NCAA est une institution qui met en lumière tout ça, tu as ainsi pu vivre cet évènement incroyable qu’est la March Madness…Oui, j’ai eu l’occasion d’y aller 3 années de suite. La 3ème année a été annulée à cause du Covid mais durant ma première année, on est allés en 1/4 de finale. C’était la première fois de l’Histoire pour l’école, donc c’était génial de faire partie de cette Histoire. L’année d’après, on a eu l’occasion d’aller jusqu’au Final 4 qui est quelque chose d’incroyable à accomplir. On a gagné en 1/2 finale pour jouer la finale, et on a perdu en prolongations sur un tir à cause d’une erreur défensive de notre part. Mais ça a été une expérience incroyable. Jouer dans un stade de football américain où il y a 80-85000 personnes… C’est l’un de mes plus beaux souvenirs aux Etats-Unis, jusqu’à présent. Tu as donc rejoint les Detroit Pistons en 2020. Comment parvient-on à intégrer la NBA ?Je suis passé par plusieurs étapes. Aux USA, on a ce qu’on appelle la Summer League, tous les étés, en Juillet à Las Vegas. Et pendant 6 ans, je payais pour me rendre à la Summer League pour avoir des contacts en NBA, créer des relations et surtout les entretenir pour qu’elles deviennent un peu plus sérieuses. Cela a été compliqué, il y a eu beaucoup de doutes et de frustrations évidemment. Mais ça s’est fait car j’était en contact avec l’un des assistants depuis plusieurs années. Une place se libérait, ils avaient (le joueur français) Sekou Doumbouya donc ils m’ont contacté. Puis, dans le staff des Texas Tech, il y a le coach Sean Sutton qui a joué à Kentucky, qui à l’époque était entraîné par Dwane Casey, le coach des Pistons. Donc il y a eu ce lien et Coach Casey a fini par m’appeler. J’ai eu la chance d’avoir cette opportunité. Tu as côtoyé Sekou Doumbouya par le passé, et là tu bosses avec un autre joueur français à Detroit, en la personne de Killian Hayes !Oui ! Killian, j’ai commencé à bosser avec lui l’année dernière; quand il est revenu de blessure. Cette année, on a beaucoup travaillé ensemble. Normalement, il va rentrer en France pendant les vacances et on va travailler ensemble à Paris. On ne se connaissait pas avant et on a créé un lien, on s’entend bien, on travaille bien ensemble donc ça rend les choses plus faciles. Il est très prometteur que ce soit pour la NBA ou l’Equipe de France. A Detroit, tu es assistant attaché à la vidéo, comment se passe ton travail au quotidien ?La première année, j’étais responsable d’énormément d’équipes en termes de « scouting« . C’est à dire regarder les matchs, savoir couper les attaques et les défenses, les joueurs, leurs tendances, ceux qui vont plus à gauche ou à droite… Il faut essayer de s’adapter et élaborer un plan de jeu pour aider mon coach et mon équipe. L’année qui vient de se terminer, je faisais très peu en vidéo, j’étais vraiment sur le terrain, sur du développement individuel avec Killian et d’autres joueurs. En gros, j’avais trois équipes, et quand on les affrontait, j’étais responsable du scouting. Je devais regarder les 5 derniers matchs et préparer le plan de jeu de la plus belle des manières pour aider notre équipe. Ce qui est bien aux USA, c’est qu’il y a cette idée de progresser, d’évoluer dans les rôles. J’ai eu la chance de vivre ça car je fais de moins en moins de vidéo. Mon but c’est de faire du Player Development et être pleinement assistant coach, où on est vraiment dans l’aspect technico-tactique pour faire moins de vidéo. « Voir des coachs comme Spoelstra, Vogel, Budenholzer, Hardy… Cela donne espoir ! » Elliott De Wit paré aux couleurs des Detroit Pistons. (Photo : Julien Buret/LGM) On imagine que comme tout les assistants qui ont commencé en NBA en vidéo, tu regardes le parcours d’Erik Spoelstra (Ndlr, head coach du Miami Heat qui a démarré sa carrière en tant qu’assistant à la vidéo) ?J’ai eu la chance de déjeuner avec lui plusieurs fois à la Summer League. Humainement, c’est une personne géniale, il a pu me donner énormément de conseils et ce n’était pas le seul. C’est important de voir différentes personnes, de différents milieux qui ne sont pas d’anciens joueurs pros. Cela donne toujours un peu plus d’espoir dans notre travail car c’est quelque chose qu’on aimerait atteindre un jour, de monter les échelons pour devenir numéro un en NBA. Si ça ne se fait pas en NBA, pourquoi pas revenir en Europe ou partir en Asie, ça personne ne le sait en avance. En tout cas, ça aide de voir des mecs comme Erik Spoelstra, Frank Vogel récemment aux Lakers, ou bien Mike Budenholzer qui est toujours à Milwaukee, qui ont réussi après être passés par la vidéo. Il y a même Will Hardy qui a récemment récupéré Utah. Ca donne énormément d’espoir à tous les coachs jeunes qui passent par la vidéo. Existe-t-il des connexions en NBA avec les autres équipes, notamment avec les joueurs français ?Dans le staff entre coachs oui, sur un volume de 3 à 4 fois par an. Quand ils vont venir chez nous et qu’on a créé une certaine affinité, on va aller manger ensemble. Je ne mange pas avec chaque coach de chaque staff bien évidemment mais il y en a avec qui je suis plus proche que d’autres. Parmi les joueurs, je pense à Théo Maledon avec qui j’ai un lien depuis que je suis plus jeune, on passe du temps ensemble avant les matchs. Avec d’autres joueurs comme Nicolas Batum ou Evan Fournier, ça sera plus sur les avants-matchs, lors des échauffements, quand on va se croiser. Il n’y a pas beaucoup de français donc forcément, ça crée un lien avec les anciens et les nouveaux. Tu es aussi dans le staff de la République Démocratique du Congo, n’est-ce pas ?Effectivement, ça s’est fait vers Février/Mars 2022. Le coach de la RDC est Thomas Drouot, Français et avec qui j’ai travaillé au Paris-Lavallois et avec qui j’ai énormément d’attache, car il m’a pris sous son aile très tôt. Il coachait Orléans quand j’étais avec Loïc Akono d’ailleurs. Il voulait ramener quelqu’un de l’extérieur avec une culture basket un peu différente, il a donc pensé à moi. J’ai eu cette chance que Detroit me laisse partir car on sait que ce n’est pas tout le temps possible. Thomas me souhaitait comme premier assistant. On a pu travailler ensemble au mois de Juin, on a joué début Juillet. On a pu se qualifier pour la fenêtre suivante qui est en Aout en Tunisie. Objectif, gagner le plus de matchs possible afin de se qualifier pour la Coupe du Monde. Vous pourrez compter sur du beau monde dans l’effectif ?On essaie de ramener les meilleurs pros possible bien évidemment, notamment les NBAers Jonathan Kuminga ou Bismack Biyombo pour avoir l’équipe la plus compétitive. On veut surtout l’équipe la plus connectée possible, parce que parfois, avoir les meilleurs joueurs ne signifie pas avoir la meilleure équipe. On essaie en tout cas de ramener les joueurs les plus forts. Elliott De Wit : « L’Equipe de France a toujours été un objectif » Elliott De Wit est l’adjoint principal de Thomas Drouot en sélection de la RDC. De quoi un jour briguer l’Equipe de France ? (Photo : Julien Buret/LGM) Où évolue le socle de l’équipe ?La plupart des joueurs jouent dans le championnat espagnol ou français. Le noyau dur hors NBA provient en tout cas des premières ou deuxièmes divisions en Europe. On a aussi quelques joueurs qui évoluent en Afrique et même au Qatar. A terme, aimerais-tu travailler pour l’Equipe de France ? Complétement, ça toujours été un objectif, je suis en contact avec les coachs et les gens de la fédération. Je suis toujours ouvert que ce soit avec la France ou même la Belgique car je suis franco-belge. Mais pour le moment j’ai pris l’opportunité de la RDC sans forcement réfléchir, car j’ai toujours voulu entrer dans les équipes jeunes, que ce soit en France ou pour d’autres nations. Pour le moment l’opportunité, ne s’est pas présentée mais je suis ouvert pour pérenniser quelque chose et travailler sur le long terme. Pour en revenir aux Pistons, quel est l’objectif pour cette nouvelle saison ? Gagner plus de matchs et continuer à développer les jeunes et très forts talents ?On était dans un projet de reconstruction, de faire jouer les jeunes et faire sortir les plus anciens. Nous sommes d’ailleurs l’une des équipes les plus jeunes de NBA. C’est compliqué de gagner avec des jeunes dans un milieu professionnel, peu importe le sport d’ailleurs, car il y a ce manque d’expérience. On va essayer d’en ramener plus pour les vestiaires et le terrain, et essayer de gagner le plus de matchs possible. Je pense qu’on est sur la bonne voie car nos jeunes travaillent et gagnent de l’expérience avec les quelques vétérans du club. On fera un bilan à mi-saison pour envisager la suite et voir si on peut, ou pas, être dans le top 10. Killian Hayes a dû s’adapter à la draft de Cade Cunningham la saison passée. Forcément, ce n’est pas facile quand un très bon joueur arrive sur ton poste…C’est vrai que pour Killian c’était compliqué car il a changé de rôle. Il était dans le 5 la première année, puis il y a eu cette blessure. Je pense qu’il a très bien réagi sur le fait de vraiment travailler, d’être focus sur lui-même et d’avoir un gros apport en sortie de banc. Je pense que c’est quelque chose qui le met de plus en plus dans la lumière. Être dans le 5 majeur, c’est énormément de pression et de responsabilité car quand on a pas très vite de bonnes stats, ça se voit plus que quand on sort de banc. Il a donc pris son nouveau rôle à bras ouverts. La NBA c’est une ligue, que ce soit pour les joueurs ou les coachs, où chacun a un rôle. A partir du moment où tu comprends cela, que tu mets tout en place pour réussir dans ce rôle, il n’y a aucune raison que cela ne se passe pas bien. Les Etats-Unis, c’est vraiment un pays où tout est possible, dans le sport et en dehors.