392 Faillites de clubs, désillusions sportives… l’année 2025 a mis le handball féminin face à ses fragilités. Derrière des hiérarchies sportives bien installées, le modèle montre ses limites, tout en laissant entrevoir d’autres pistes de développement. Année après année, certaines certitudes semblent immuables. Les mêmes nations au sommet, les mêmes clubs dominants, les mêmes scénarios qui se répètent. La Norvège et le Danemark champions du monde, Györ encore sacré en Ligue des champions, Metz Handball qui ne supporte toujours pas la pression d’un Final 4 européen… Difficile de ne pas y voir une forme de lassitude. Mais résumer 2025 à cette seule impression serait réducteur. Car cette année a surtout révélé des failles que le handball a longtemps masquées. Sans être catastrophiques, les douze derniers mois ont mis sous pression des modèles qui semblaient solides. Derrière l’image d’un sport structuré, certains dysfonctionnements sont apparus, parfois brutalement. Un sport fragilisé par des instabilités économiques Les faillites de Vipers Kristiansand et de Ludwigsburg n’ont rien d’anecdotique. Deux clubs majeurs, deux champions d’Europe, deux pays différents, et pourtant, nous faisons face au même constat. Ces clubs, comme tant d’autres, ont misé sur des masses salariales disproportionnées pour attirer les meilleures joueuses et obtenir des résultats immédiats. Une stratégie à court terme, dont l’illusion n’a été que de courte durée.La France n’a pas été épargnée. La trajectoire du Nantes Loire Féminin Handball est devenue un symbole. Champion d’Europe en 2021 avec des joueuses comme Bruna de Paula et Nathalie Hagman, le club évolue aujourd’hui en Nationale 1. Une chute brutale, presque irréelle, résultat de choix économiques incohérents. Mérignac a également quitté le monde professionnel, tandis que d’autres clubs avancent avec peu de marges, comme Toulon dont la situation a défrayé la chronique ces derniers mois. View this post on Instagram Ces parcours montrent que rien n’est jamais acquis, même dans les championnats réputés stables. Et tout cela, dans un silence médiatique assourdissant sur les véritables raisons de ces échecs. Un malaise structurel ignoré Ce manque de médiatisation n’est pas neutre. Il rend les difficultés du handball féminin moins visibles et moins urgentes. Peu d’exposition, c’est une absence de débats publics garantie. Finalement, la pression sur les fédérations, les ligues et les instances internationales devient inexistante. Dans ce contexte, le débat récurrent sur la présence de 32 équipes au championnat du monde occupe une place disproportionnée. En pointant le niveau des nations émergentes ou le format de la compétition, nous évitons de poser les questions essentielles au sujet des moyens réellement mis en place pour ces fédérations en développement L’IHF met en avant l’expansion de la discipline, mais ce discours peine encore à se traduire concrètement sur le terrain et ce sujet reste rarement analysé en profondeur. Photo : Thomas Traasdahl / Ritzau Scanpix via AFP La situation de la Suède, l’une des déceptions de 2025, illustre bien cette réalité. Les limites actuelles de la sélection et les difficultés du handball féminin de clubs montrent que la performance internationale ne suffit plus à masquer des fragilités structurelles. Dans ce contexte, les critiques récurrentes sur le Mondial élargi servent surtout à éviter de regarder les problèmes internes. Ce regard détourné n’est pas sans conséquence. En évitant les sujets de fond, les discours deviennent consensuels. Le handball féminin se retrouve parfois utilisé comme une vitrine, un marqueur de bonne conscience. Les effets d’annonce se multiplient, sans que les moyens ne suivent réellement et figent des modèles qui auraient besoin d’être repensés en profondeur. Des trajectoires qui bousculent les certitudes Pour autant, réduire le Handball féminin à ces fragilités serait malvenu puisqu’il offre un visage plus nuancé. Championne d’Europe U19, l’été dernier, puis vice-championne du monde avec l’équipe A tout en tenant tête à la Norvège, l’Allemagne confirme la montée en puissance de son handball féminin. Le succès de Thuringer en Ligue européenne va dans le même sens. Sans grandes têtes d’affiche, ces résultats reposent surtout sur un projet cohérent, construit dans la durée. Après les échecs des championnats du monde 2017 et 2019, la fédération allemande a revu son organisation, en misant notamment sur une meilleure professionnalisation du championnat féminin, longtemps dans l’ombre de celui des hommes. Et ce malgré la disparition de Ludwigsburg, club majeur du paysage national. Le travail est encore loin d’être terminé, mais les premiers résultats sont déjà visibles. Photo : Joel Marklund/Bildbyrån Puis rien n’est immuable dans le handball féminin. La Slovaquie en a offert une illustration marquante avec son titre européen U17. Dans le même temps, la Suisse avance pas à pas, portée par une jeune génération déjà très technique et qui s’intègre dans un projet collectif clair, encore en construction mais déjà prometteur grâce a un travail engagé avec une académie fédérale, depuis 2020. 𝗤𝗨𝗘𝗘𝗡𝗦 𝗢𝗙 𝗘𝗨𝗥𝗢𝗣𝗘! 👑🇸🇰 Slovakia are the W17 #ehfeuro2025 CHAMPIONS! #followthefuture pic.twitter.com/siJtkX8Jsv— EHF EURO (@EHFEURO) August 10, 2025 En France, l’exemple de Strasbourg ATH illustre aussi cette approche. En quelques saisons le club est passé de la Nationale 1 à la Ligue Butagaz Energie sans vraiment bruler les étapes. Au-delà du sportif, la stratégie de communication, le marketing et la délocalisation de certains matchs au Rhénus de Strasbourg témoignent d’une vision audacieuse. Dans un environnement fragile, ce projet montre qu’avec patience et créativité, des structures solides peuvent émerger. Alors, le handball féminin régresse-t-il ou est-il simplement en train de changer d’équilibre ? La question mérite d’être posée mais ces réussites offrent malgré tout des raisons d’être optimiste. La fin des faux-semblants 2025 a bousculé le Handball mais ne l’a pas enterré. Elle l’a simplement mis face à ses contradictions. Nous arrivons à un point où les bonnes intentions et les discours vertueux ne suffisent plus. Le Handball féminin ne peut plus servir de caution morale ou d’outil de valorisation institutionnelle. Il exige des choix clairs et des gouvernances responsables. Son avenir dépend de sa capacité à rompre avec les faux-semblants, à se remettre en question et à faire confiance à celles et ceux qui le construisent réellement, jour après jour. Les réponses existent déjà sur le terrain. Encore faut-il accepter de les regarder. Crédit photo : Matthieu Henkinet/Let’s Go Metz (Photo à la Une)