Marie-Hélène Sajka : « A Metz on pourrait tout changer et tout resterait pareil. Il y a cette âme du club »

15 minutes de lecture

Marie-Hélène Sajka : « A Metz on pourrait tout changer et tout resterait pareil. Il y a cette âme du club »

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A seulement 23 ans, Marie Hélène Sajka est déjà une ancienne du vestiaire Messin. Championne de France à plusieurs reprises elle est un pur produit « handballistique » local, dont elle a gravi tous les échelons, de la formation jusqu’à l’équipe de France et même si elle a annoncé récemment quitter la Moselle pour rejoindre Paris 92 la saison prochaine, son attachement au Metz Handball transparait à chaque action ou prise de parole. Profitant de la trêve internationale, elle nous a accordé une interview « grand format » où la joueuse et la jeune femme se croisent et se dévoilent.

Il est difficile de commencer cette interview sans parler d’actualité. Ton départ pour rejoindre Paris 92 la saison prochaine vient d’être annoncé, comment est ce que le choix s’est fait ?
Eh bien, ça fait à peu près 10 ans que je suis au club et je pense que c’est le moment de changer un peu, de voir autre chose. J’avais fait un an de prêt à Toulon il y a quelques années, cela s’était plutôt bien passé.
J’adore ce club, Metz Handball c’est mon club, c’est ma ville mais pour passer un cap, pour évoluer j’avais besoin de changer de milieu, de sortir un peu de ma zone de confort.

Là bas tu vas retrouver des têtes connues comme Yacine Messaoudi qui a longtemps œuvré à la formation Messine. Cela a joué un rôle ?
Oui c’est clair, ça a joué un rôle puisque pour moi c’est un rôle hyper important, ici on a tout simplement le meilleur du monde donc je ne voulais pas partir dans une équipe où les choses n’étaient pas bien organisées. Je sais que Yacine est un très bon entraîneur, pour l’avoir côtoyé et je sais qu’il saura comment m’utiliser donc ça a bien aidé…

Alors reprenons maintenant les choses à leur commencement, tu es née à Nancy mais tu es originaire de Pagny sur Moselle et on peut te considérer comme un pur produit handbalistique messin. Qu’est ce qui t’a mené vers ce sport en particulier ?
En fait, le père de ma meilleure amie était le président du club de Pagny sur Moselle et j’ai tout simplement suivi ma copine, je la voyais qui était déjà trop forte alors qu’elle était très jeune… Du coup je l’ai suivie elle et mes copines vers ce club de Pagny qui est très chaleureux et familial. C’était toujours de très bon moments quand j’allais au hand et de fil en aiguille j’ai suivi le cours du vent, je suis allée au Pôle Espoir, au comité 54, Lorraine, au centre de formation et… me voilà toujours chez moi à Metz Handball.

Et en grandissant tu avais des idoles, des modèles que tu voulais suivre ?
Pas trop. Je sais que les jeunes aujourd’hui se disent tout de suite qu’ils veulent être handballeurs professionnels mais moi je voyais vraiment ça du côté loisir. Je regardais surtout les garçons à cette époque là, j’aimais bien William Accambray qui était au top de sa carrière quand j’étais petite… Mais je n’avais pas spécialement d’idole, en revanche en côtoyant des joueuses en club, j’ai beaucoup aimé Ana (ndlr : Gros) parcequ’on a un peu le même profil, qu’elle est hyper régulière et c’est vraiment une joueuse dont je me suis inspirée.
Au final, petite, mon idole c’était Marie Garaudel, ma meilleure amie.

Qu’est ce que tu gardes comme souvenir de ta formation à Metz ? Des joueuses ? Des moments ?
Je garde beaucoup de choses, j’ai gardé contact avec pratiquement tout le monde. Il n’y a eu que des filles hyper cool. Plus jeune j’ai joué avec Raïssa Dapina et des filles comme ça mais je me suis aussi fait un très bon groupe d’amies il y a quelques années en D1 avec Laura Flippes, Xenia (ndlr : Smits), Marion Maubon et Manon Houette. C’était un petit groupe très soudé qui me manque beaucoup… J’aime aussi le sport pour ça, parce que ça crée des liens qu’on ne crée nulle part ailleurs.

Tu as commencé ta carrière professionnelle à Metz à 19 ans et tu as immédiatement été championne de France. Est ce que ça met la pression de démarrer sur ces bases ?
Je pense que c’est surtout d’être à Metz qui met la pression, parce qu’on est tous les jours confrontées à l’excellence, à des filles qui sont à 110% tout le temps, qui sont trop fortes tout le temps et il n’y a pas de place pour autre chose. Je sais que dans certains centres ça peut être un peu plus tranquille mais ici quand on a vu s’entraîner Grâce (ndlr: Zaadi) ou Nina Kanto, on se dit qu’il faut absolument se booster pour espérer jouer à leur niveau un jour.
En définitive ce n’était pas la pression d’avoir déjà un titre mais la pression d’en vouloir d’autres avec ce club.

Avec Laura Flippes face à Toulon St Cyr (01/2020)

Récemment il y a eu une saison ou tu as endossé les couleurs d’un autre club, à Toulon, l’occasion d’engranger du temps de jeu et de scorer une belle cargaison de buts. Qu’est ce que tu en retiens ?
C’était la première fois que je partais, j’avais toujours été chez moi à Metz et c’était hyper intéressant comme expérience. J’ai beaucoup appris sur moi même et forcément dans le hand parce que je jouais beaucoup. Il y avait un plus petit effectif et j’étais plus sollicitée, ça m’a vraiment fait du bien, j’ai pris confiance en moi j’ai trouvé des repères différents et c’était une super saison. Le club est vraiment cool aussi et j’ai eu de la chance dans mon parcours que de ne tomber que sur des clubs super cools en fait !
Je garde un super souvenir de cette année de prêt et ça m’a surtout permis de revenir à Metz avec plus de confiance.

Alors on arrive au terme d’une année 2020 plutôt « bizarre », avec une fin de saison prématurée, un confinement, des huis clos… Est ce que ce sont des choses qui t’ont impactée dans ton quotidien de sportive ?
J’ai été dégoutée parcequ’on faisait une superbe saison, on avait des échéances incroyables qui arrivaient avec un quart de finale de Champions League par exemple. L’année où je suis partie, c’est l’année où le club a atteint le Final 4 pour la première fois et c’est quelque chose que je voulais vraiment vivre avec Metz donc j’ai été vraiment déçue que ça n’ait pas lieu.
Ensuite, j’ai été confinée en appartement au centre ville de Metz, sans bouger donc ça a forcément impacté mon quotidien mais le club nous a bien accompagnées. Ça n’a pas empêché à la reprise d’être très dure. (rire)
Mais au moins quand on a repris on était toutes très enthousiastes. On a l’impression que c’est normal de jouer devant du public, de s’entrainer, de voyager… Et on s’est rendu compte de la chance qui est la notre et que rien n’est acquis.

Aujourd’hui le club a repris son rythme de croisière, malgré les aléas extra sportifs et on se rend compte que tu fais partie des anciennes dans le vestiaire désormais…
C’est vrai. Il y a eu pas mal de mouvement cette saison mais j’ai l’impression qu’à Metz on pourrait tout changer et tout resterait pareil. Il y a cette âme du club qui se transmet d’année en année. J’adore notre équipe cette saison, il y a eu du mouvement mais elles sont toutes arrivées dans un bon état d’esprit, déterminées et j’espère qu’on pourra aller jusqu’au bout de la saison cette fois et atteindre ce fameux Final 4.

Aux côtés de ses coéquipières même blessée (09/2020)

De ton côté, il y a eu une blessure qui t’a contrariée pendant quelques semaines, c’était la première de ta carrière, comment tu l’as vécue ?
C’était très inattendu, je me suis blessée sans m’en rendre compte. Au début j’étais effondrée, c’était la fin du monde pour moi alors qu’en réalité ce n’est « qu’un ménisque », mais je me suis vite reprise. J’ai été très bien accompagnée et j’étais beaucoup avec Manon (ndlr : Houette) et ça m’a aidé à relativiser parce que sa blessure était autrement plus grave que la mienne. Donc ça s’est plutôt bien passé en définitive, je suis même plutôt contente d’avoir vécu ça parce que ça devait arriver un jour où l’autre et ça s’est passé dans les meilleures conditions possibles.

En ce moment vous vous entraînez en très petit comité en raison du départ des internationales pour l’Euro ou des stages. Ca se passe avec Clément Alcacer et les filles de N1, est ce que l’expression « quand le chat n’est pas là, les souris dansent » se vérifie ou est-ce que vous continuez d’y aller fort ?
Ah non, on bosse ! On sait que quand les filles vont revenir il faudra qu’on soit au moins au même niveau qu’elles. On vit toutes des trucs très différents en Décembre, chacune avec son équipe, avec son temps de jeu… Mais de notre côté on s’entraine dur, on a notre préparateur physique qui profite du moment pour nous faire souffrir. (rire)
Et puis il y a Clément Alcacer qui est très bon entraineur que je ne connaissais pas vraiment bien jusqu’à cette trêve mais qui a toujours des idées de choses qu’on n’a jamais faites. C’est une période très intéressante mais je préfère quand tout le monde est là et qu’on joue des matchs mais il faut passer par là.

Dans ton parcours il y a aussi l’équipe de France, tu as été appelée plusieurs fois mais tu n’as pas encore eu la chance de faire partie du groupe pour des compétitions importantes. Quel est le cap à franchir pour convaincre Olivier Krumbholz ?
Je pense que je dois franchir un palier physiquement, je suis grande mais il faut que je sois plus mobile mais je dois aussi être plus dure. Je pense que défensivement j’ai des choses à faire. A Metz, je défends surtout poste 1 poste 2. Je pense vraiment que ce sont ces secteurs que je dois travailler et c’est pour cela que je trouve les périodes comme celle ci intéressantes parce que je peux bien bosser, même si j’ai des courbatures le lendemain parce qu’il n’y a pas un match à assumer.

A l’entraînement pendant la trêve internationale (12/2020)

J’imagine que tu suis l’Euro de très près et tu as du faire attention aux performances de tes coéquipières. Est ce qu’une joueuse ou une équipe t’a surprise ?
Je vais parler de Camila (ndlr : Micijevic), forcément. Alors je ne peux pas vraiment dire que je suis surprise parce qu’on la voit tous les jours et elle est très forte… Mais j’aime beaucoup l’âme de l’équipe de la Croatie, on dirait une bande de copines qui arrive et c’est agréable à regarder… Mais je reste tout de même attachée au parcours de l’équipe de France, pour certaines personnes c’est normal de les retrouver à ce niveau mais elles ont vécu quelque chose de très difficile au dernier mondial et aujourd’hui tout le monde participe, il y a de la régularité et elles gagnent…
Donc j’ai un regard particulier sur Camila, l’équipe de France et aussi Dinah Eckerle qui fait un très bon Euro.

Un pronostic maintenant qu’on s’apprête à assister aux matchs du dernier carré ?
Alors je pronostique une finale Norvège – France. Par contre pour le gagnant j’ai du mal à me projeter. La Norvège joue très très bien, elles sont très bonnes mais de l’autre côté la France a un banc de fou, ça apporte de la fraicheur… Mais je ne peux pas me prononcer même si j’espère une victoire Française !

On vient de faire un point sur la carrière, mais j’aimerais aussi évoquer ce qu’il se passe quand la jupe retourne au placard ou à la machine à laver… Quelles sont les différences entre la Mahé des terrains et la Mahé de la ville ?
J’ai un caractère très calme, pas du tout le caractère d’une handballeuse professionnelle en fait. J’aime dessiner, j’ai un côté très artistique. A côté de ça je suis encore des cours dans une école d’évènementiel à distance et surtout… je dors beaucoup et ça me prend beaucoup de temps ! (rire)
Et puis en ce moment, l’occupation est de saison avec des films de Noël tous les jours.

Sous les projecteurs de Patrice M’Bianda lors du Media Day de Com1Sport (2020)

Tu l’as évoqué, tu as suivi et tu continues à suivre des études en parallèle de ta carrière, tu peux nous en parler ?
J’ai passé une licence information et communication à Metz et j’ai un peu travaillé avec Com1Sport, aujourd’hui j’évolue dans l’évènementiel. Je suis passionnée par tout ce qui touche à la communication, en particulier dans le sport et je profite des périodes où j’ai un peu de temps à côté du handball pour m’avancer dans mes études.
On nous répète sans cesse que l’après carrière est important et on a fini par le croire, j’essaie de me donner les moyens d’avoir une activité après tout ça.

C’est un milieu où tu te vois évoluer après ta carrière ?
Totalement, l’évènementiel, la communication… J’aimerais être dans ce milieu mais avec un petit pied dans le sport.

A défaut d’y travailler dans l’immédiat, ta communication à toi elle se fait sur les réseaux sociaux où on te voit assez active et même ton chat s’y est mis à ce qu’on dit… Quel place joue cette présence sur les réseaux dans ton quotidien ?
Je pense que c’est dans la vie de tout le monde, j’avoue que mon chat ce n’était pas obligatoire mais il est est super beau c’est pour ça ! (rire)
Ça prend de la place c’est sûr, mais à la même hauteur que tout le monde, on se lève le matin et on va faire un tour sur Instagram mais je garde du recul là dessus, ce n’est pas la vraie vie donc ça va.

Face à Nice le 09/09/2020

Au delà de ton chat j’ai cru comprendre que tu aimais beaucoup les animaux en général puisque tu es végétarienne. C’est une conviction personnelle ou un combat que tu mènes au quotidien ?
C’est une conviction personnelle mais si je peux inciter les gens à manger moins de viande, pour les animaux mais surtout la planète, je le fais. Ça fait une grosse différence d’un point de vue écologique mais aussi pour le corps, je pense que ça joue sur le fait que je me blesse rarement, ça aide à la récupération… Il y a des bienfaits que les gens connaissent peu et je pense que ce n’est pas un gros sacrifice que de ne pas manger un steak entre midi.
Je ne dirais pas que c’est un combat parce que je ne veux pas embêter tout le monde avec ça mais j’essaie d’influencer au moins mon entourage à réduire sa consommation.

Dans l’équipe tu n’es pas la seule à porter des valeurs, on parle souvent de Melvine Deba et de son podcast Handpapers, c’est quelque chose auquel tu pourrais participer ?
Oui, je trouve ça très intéressant ce qu’elle fait. C’est une personne très créative et je l’admire beaucoup pour ça, elle a toujours le plein d’idées et d’ambition donc j’essaie de l’aider dès que je peux.

Dernière question, si on se projette dans le temps vers tes 30 ans, qu’est ce que tu te vois accomplir d’ici là ?
C’est loin mes trente ans ! On sera en quelle année ? (rire)
Déjà mon objectif c’est de faire les Jeux Olympiques, c’est mon objectif sportif le plus important. C’est un rêve d’enfant parce que toute ma vie j’ai regardé les jeux à la télé, tous les sports… Et puis j’espère vivre un Final 4 et le gagner si possible ça serait bien.
Mais mon objectif de vie numéro 1 c’est tout simplement d’être heureuse. Toutes ces choses, je sais que ça me rendra heureuse mais si ça ne se réalise pas, c’est de prendre du plaisir dans ce que je fais peu importe où. Mais j’espère toujours faire du hand, toujours prendre du plaisir à jouer et aider des joueuses plus jeunes comme d’autres l’ont fait pour moi.

Propos recueillis et retranscrits par nos soins.
Crédit photo : Matthieu Henkinet

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