Lettre ouverte à Laura Glauser

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Chère Laura, 

Aujourd’hui, je prends ma plume pour t’écrire au fond de ma chambre, loin de cette pandémie qui a inextricablement tout interrompu. Tout semble irréel actuellement. Nous sommes plongés dans un univers inconnu qui nous paraît interminable. Ce petit nuage qui s’est élevé de l’océan agité a cessé de suivre le cours de la vie pour rester en suspend. Alors, j’ère dans mon appartement et je réfléchis à tout ce que je vis depuis 4 ans maintenant. Allez… 3 ans et demi pour être plus honnête. Quand ce nouvel ennemi invisible a fait son apparition (paradoxal !), je dois avouer que j’ai été très égoïste en me demandant si cela pouvait affecter toutes les activités que j’entreprenais. J’ai bien été idiote de penser ça… Actuellement, je me dis que j’ai été plongée au coeur d’une illusion qui me permettait d’oublier un quotidien à la saveur trop souvent âpre. La santé de tous est fort bien plus importante qu’un énième match de Ligue des Champions. Cette vie passionnante ne serait alors qu’une parenthèse qui me protégeait et cette parenthèse, c’est toi qui l’a ouverte, Laura. 

 

Aout 2016. Avec 4,9 milliards autres personnes dans le monde, je m’autorisais cet intermède salvateur devant les Jeux Olympiques. J’étais à la recherche d’une nouvelle consommation effervescente qui abreuverait mon ivresse passionnelle. 

Puis, c’est le coup de foudre. Il me frappe en plein cœur. Ton talent, ta force et ton caractère ont été une véritable révélation à une époque où je débutais un nouveau défi. Je ne savais pas encore que ma vie allait prendre un tournant vertigineux. Mais cet amour sportif est resté quelque part dans le dédale de mon esprit durant l’entièreté de la quinzaine. D’une part, je considérais mon admiration illégitime car tu étais tout de même sur le circuit professionnel depuis au moins 4 ans. D’autre part, je me sentais ridicule de replonger dans ce schéma idole-admiratrice que je voulais quitter à tout prix. Je pensais en être préservée. Dans un secret inavouable presque interdit, je regardais tes performances décisives qui accompagnaient mon labeur estival. Tu prenais fastueusement le relais de Amandine « Doudou » Leynaud, ta mentor, ta grande-soeur… Comme ce fameux 18 aout 2016 qui vous envoie en finale tes coéquipières et toi. Etrangement, ce n’est pas ce qui m’a le plus marquée ce jour-là. Après le match, tu as sorti que ton efficacité était présente grâce aux morceaux de bravoure de ta défense. J’ai très vite compris que j’avais affaire à une personne humble qui s’effaçait au profit du collectif. C’est ainsi que j’ai laissé libre court à cette admiration enfouie honteusement jusqu’alors et décidé de suivre assidument ta carrière. A travers les rares interviews que je trouvais, tu deviendras un modèle de persévérance malgré toi. Tu l’es toujours jusqu’à présent. Mais je dois te dire que j’ai pris mon rôle un peu trop à coeur. D’abord, j’ai avalé des heures et des heures de Handball de club pour parfaire ma culture. Ensuite, je suis tombée amoureuse de Metz Handball. Une équipe entière qui part au combat à chacune de ses sorties. Pas de rivalité, pas de hiérarchie, seulement un groupe soudé jusqu’au bout, à la recherche d’un objectif commun même si le parcours se présente long et sinueux.

 

Un groupe qui me ressemblait et qui t’allait bien finalement.

 

J’étais si heureuse de vous retrouver chaque week end et je passais mon temps à parler de ton jeu au grand désarroi de mon entourage. C’était un repère assez réconfortant qui m’aidait à me dépasser encore et encore. Mais mon affection devenait irraisonnée et mes entrailles se déchiraient quand vous passiez à coté d’une rencontre. Toi, la première. Il me fallait vite réaliser que tu ne pouvais pas tout réussir. Alors j’ai pardonné. Comme une amie qui épaule les siens pour grimper une montagne accidentée. Après tout, tu m’accompagnes pour que je devienne plus performante dans ma vie de tous les jours, tout en me donnant le temps de progresser. Et ça, je m’en suis rendu compte, ce 3 juin 2017, quand j’ai eu le courage de grimper ces marches pour te demander une photo alors que j’étais pétrie d’angoisse. Tu ne le savais pas et moi non plus mais j’en étais ressorti grandie de cette entrevue fugace mais poignante. Je commençais à combattre mon anxiété. Cette rencontre n’avait duré que quelques instants mais j’ai pu constater de mon propre chef à quel point tu irradiais de gentillesse et de sincérité. D’ailleurs, c’est ce que je retiens chez toi… Cette spontanéité qui te rend si accessible et naturelle alors que tu es totalement transformée et galvanisée par les enjeux d’un match, l’instant d’avant. Une véritable leçon humaine et professionnelle. Pour moi, il est trop tard, j’avais 23 ans quand je t’ai réellement découverte. Mais quelque part en Europe et en France, il y a ces jeunes filles et garçons qui suivent tes prouesses ou ta résilience sans commune mesure et qui n’aspirent qu’à écrire leur propre histoire dans le Handball. Comme toi à leur âge. Tu laisseras un tel vide à Metz Handball…

 

 

 

 

 

3 ans et demi plus tard, tout est là, tout est intact.

 

Rien n’a changé.

 

Si. Mon admiration sans vergogne n’a cessé de décupler face à cette abnégation totale dont tu as fait preuve pour revenir à ton niveau après la naissance de ta fille. Je me souviendrai à jamais de ta saison 2018/2019 et de ce 39% d’efficacité en Ligue des Champions qui prouvent à tout le monde que tu mérites ce transfert dans le meilleur club d’Europe. Nous savons à quel point il est difficile de retrouver une constance au haut-niveau. Le perfectionnisme, le sacrifice, la patience, la lucidité, l’énergie, le goût de la victoire, ces ingrédients qui font partie de ton quotidien et, qui te permettront également de revenir plus forte de cette blessure te privant des terrains depuis octobre dernier. Certainement l’une de tes meilleures performances. Je veux faire comme toi. J’ai tant à apprendre de ta ténacité mais je pense avoir déjà intégré ça dans mes agissements en vivant enfin, ma passion avec cette merveilleuse expérience journalistique que je pensais impossible il y a encore un an.

Cela fait quelques temps que je médite pour exprimer ma plus profonde estime. Ce n’est pas simple car j’avais beaucoup à te dire mais cela ennuierait beaucoup de personnes. Puis je ne savais pas vraiment quand le faire… Probablement à la fin de la saison, lorsque tu aurais plausiblement remis la tunique messine, pour quelques mois, avant ton départ vers de nouvelles contrées. Seulement, un virus a décidé de couper l’herbe sous les pieds de tout le monde. Je n’ai donc que très peu d’espoir d’avoir un moment pour te remercier. Alors je le fais maintenant.

Merci pour tout Laura. Merci pour cette riche aventure humaine faite d’émotions, de partage, d’inspiration et de bouffées d’oxygène. Parce qu’après tout, c’est ça le sport et tu en es l’un des vecteurs. 

 

A bientôt. 

 

 

Crédit photo : Matthieu Henkinet.

 

 

 

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