1,4K Chaque été le constat est le même, les finances du handball féminin demeurent fragiles et des clubs se voient rétrogradés ou disparaissent. Années après années, le constat reste le même mais n’en demeure pas moins angoissant. Le handball féminin, sous perfusions de financements peu abondants et victime de modèles économiques à la viabilité limitée, continue de démontrer ses faiblesses.Il y a bien sûr les grandes réussites à l’échelle française, les médailles de l’équipe de France, les participations au Final 4 de la Champions League, les belles joutes en championnat, la finale de Coupe de France qui demeure une fête malgré l’affluence variable. Cette saison il y a aussi eu la médaille de bronze de la JDA Dijon en European League. A l’échelle internationale, il y a de nombreux évènements qui font déplacer les foules, des championnats particulièrement relevés… Et pourtant, l’instabilité reste monnaie courante. La chute de Vipers Kristiansand, pourtant triple vainqueur de la Champions League il y a peu, est encore dans toutes les têtes. La liste des clubs rencontrant des difficultés à payer leurs joueuses à travers l’Europe pourrait faire frémir plus d’un comptable et, comme souvent, une fois l’été venu, le feuilleton des clubs en difficulté occupe l’espace médiatique. D’insubmersibles Neptunes à embarcation instable En France, c’est le club de Nantes qui a connu des déboires pour la deuxième année consécutive. Un recrutement intéressant en vue d’une potentielle montée en Ligue Butagaz Energie et une volonté de remettre le club sur les rails ont finalement laissé place à la déception d’une deuxième place en D2F, synonyme de maintien dans la compétition, avant que les problèmes financiers ne refassent parler d’eux. Une campagne de dons a bien été lancée, tardivement, désespérément, mais s’est révélée insuffisante bien que 40 000€ aient été récoltés sur les 57 000€ espérés. Le club a acté sa cessation de paiement et ne disposera pas d’équipe professionnelle la saison prochaine. Dégringolade de ce qui semblait devenir une place forte du sport féminin il y a encore quelques saisons. Quand la foudre fait sauter les comptes… Autre équipe foudroyée par l’instabilité du handball féminin sur le territoire français, c’est Mérignac. Après onze ans en deuxième division, les Girondines avaient retrouvé la première division en 2019, signant au passage une série de défaites record : 19 en 19 matchs avant d’être repêchées et d’emprunter le chemin de la structuration en quête de stabilité. Une treizième place en 2020/2021, une dixième place en 2021/2022, une treizième place en 2022/2023 couronnée par un repêchage en raison de la chute de Celles-sur-Belle et de Bourg-de-Péage, une dixième place en 2023/2024 et enfin une 9ème place en 2024/2025, qui n’auront finalement servi à rien. Si Lylou Borg a accumulé les buts au fil de la saison, le club a accumulé les dettes jusqu’à se voir rétrogradé administrativement non pas en D2F mais directement en N1F. S’en est suivi un appel, une vidéo de soutien de Grégory Coupet pointant du doigt les partenaires peu honnêtes, et une cagnotte. Cependant la communication hasardeuse des dirigeants n’a jamais permis de connaître la taille du trou financier à combler, ni même l’objectif exact entre décrocher un maintien en présentant un dossier solide, ou simplement sauver le club de la disparition. En conséquence, à date du 17 juillet et de la première mention d’un objectif, le maintien en D2F, la cagnotte de sauvetage ressemblait plus à une planche de bois rescapée du Titanic avec seulement 7 435€ récoltés. Depuis, Christophe Chagnard, entraîneur pendant 5 saisons des Foudroyantes, s’est fendu d’un coup de gueule visant principalement les dirigeants du club et la mairie, tout en concluant d’un terrible « tout ça pour ça ». Comme un air de déjà vu, alors que le club semblait en bonne voie aussi bien en LBE qu’à l’échelle du centre de formation. L’hécatombe estivale s’est également étendue à la D2F avec les relégations en N1F du Bouillargues Handball Nîmes Méditerranée, du club de Celles-sur-Belle, ainsi que du Lomme Lille Métropole Handball. Des procédures d’appel et recours sont toujours en cours concernant ces clubs. La deuxième division française est pour le moment uniquement composée de dix clubs, incluant trois repêchés : Bergerac, La Roche-sur-Yon et Saint-Grégoire Rennes. « Deutsche Qualität » A l’étranger, c’est un nouveau choc pour un club de Champions League qui couve depuis quelques jours. En effet, Ludwigsburg pourrait à son tour tomber de haut. Les joueuses championnes de Bundesliga en 2022, 2023 et 2024, victorieuses de l’EHF Cup en 2022, ainsi que finalistes au Final 4 2024 après avoir donné une leçon à Metz Handball, sous l’identité du SG BBM Bietigheim, avaient changé de domicile et d’identité la saison passée, ce qui aurait pu laisser penser qu’un palier avait été franchi dans la structuration du club. Malgré une nouvelle victoire en championnat et une campagne intéressante en Champions League, il n’en est rien. Le club a déposé une demande de redressement judiciaire suite à l’échec de négociations avec des sponsors majeurs. Si l’équipe continue de se préparer pour la saison 2025/2026 dans l’espoir d’un sauvetage in extremis, l’avenir s’annonce très incertain pour le club allemand. Qui est à l’abri ? En définitive, rares sont les clubs qui peuvent se prévaloir d’une stabilité à toute épreuve. Les structures qui se sont professionnalisées ces dix dernières années restent à la merci du retrait d’un ou plusieurs partenaires qui pourraient les faire sombrer. Ces dernières années, des clubs dépendant massivement de subventions publiques ont chuté, tout comme des clubs dépendant majoritairement de soutiens privés. Les mauvaises surprises ont touché des clubs de bas de tableau comme des clubs à succès. Au delà du combat sur les terrains, c’est dans les coursives que se joue en réalité la survie des acteurs du handball féminin. Dans les salons VIP, à travers des prestations extra sportives, sur LinkedIn ou dans des petits déjeuners business se décident les partenariats, les échanges de bons procédés et surtout les sommes qui feront tenir ou non les contrats des sportives sur le long terme. Tout cela est également à lier à un souci d’image, de présence sur les réseaux. Chaque club doit se vendre au mieux via sa communication en ligne, non pas seulement aux supporters, mais aussi aux partenaires potentiels. Il faut impérieusement donner une image de qualité pour convaincre encore et toujours que « ce » club de handball féminin vaut la peine et que l’on peut y investir sans crainte et obtenir des retombées positives. Des solutions et des limites De nombreux clubs l’ont compris, se transforment, s’organisent. En France, Brest et Metz ont beaucoup changé leur manière de travailler avec deux modèles pourtant différents mais qui semblent faire leurs preuves. D’autres clubs ont emboité le pas mais souvent avec des moyens humains insuffisants, témoignant du choix cornélien entre recruter un assistant coach ou un chargé de marketing, un analyste vidéo ou un commercial. Ils sont fréquemment limités par les capacités de leurs salles s’apparentant parfois plus à de simples complexes municipaux qu’à des grandes arenas pouvant accueillir le public VIP de manière qualitative. Strasbourg ATH l’a compris avec l’aspect très évènementiel de ses matchs au Rhénus et ce n’est pas le seul club a avoir acté ou envisagé la délocalisation de ses grosses affiches. Malgré cela, le problème reste quoi qu’il en soit insoluble à l’heure actuelle, à l’échelle des clubs comme à l’échelle des Ligues et Fédérations. Questionnée sur les défis du handball féminin à l’occasion de la conférence de rentrée 2024/2025, la présidente de la LFH Nodjialem Myaro ne se cachait pas en évoquant le fait que le temps des avancées sociétales n’était pas tout à fait passé mais que ce qu’il manquait surtout c’était de l’argent et donc des partenaires solides et investis dans le projet. Quel sera le prochain club de handball féminin à tomber en raison de finances fragiles ? Crédit photo : Matthieu Henkinet (une) et Valentin Lachaux (corps) / Let’s Go Metz (archives)