Hors série : UFC 249, la reprise du sport professionnel au cœur du coronavirus

21 minutes de lecture

Bien loin de notre terrain de jeu habituel du sport Messin, nous avons entrepris aujourd’hui de voyager de l’autre côté de l’Atlantique à travers un écran d’ordinateur pour observer de près à quoi peut ressembler la reprise du sport professionnel en pleine pandémie mondiale. L’occasion également d’évoquer un sport sous représenté et parfois méjugé en France, le MMA.

Le virus continue de circuler à travers le monde, y compris aux États Unis, avec plus de 25 000 infectés et plus de 1 400 morts pour la seule journée d’hier, pourtant l’Ultimate Fighting Championship, la plus importante fédération de MMA au monde, a décidé de reprendre les compétitions sans plus attendre avec une carte de combats surchargée, présentée depuis Jacksonville en Floride. Nous nous sommes donc penchés sur les tenants et aboutissants de cette reprise qui prête à polémique, avant de nous délecter de 7 heures de sport en live pour la première fois depuis longtemps.
Mais avant toute chose…

Le MMA qu’est ce que c’est ?

Ce sport, Mixed Martial Arts (arts martiaux mixtes), parfois appelé à mauvais escient « combat libre » ou « free fight » tire son nom de son essence même : une combinaison d’un ensemble d’arts martiaux aussi bien ancestraux que modernes, pratiqués debout comme au sol. Il a été proposé pour la première fois au grand public sous cet aspect lors de la tenue de l’UFC 1 en Novembre 1993, un événement souvent considéré comme l’embryon de ce qu’est le sport aujourd’hui et qui a vu s’affronter sous forme de tournoi des pratiquants de 8 arts martiaux différents : savate, jiu jitsu brésilien, sumo, kickboxing, kenpo américain, boxe, taekwondo, shootfighting.
Mais en réalité l’origine de ce sport est bien plus lointaine et ne saurait avoir une racine unique. Certains y voient une évolution du Pancrace, un art martial grec des jeux olympiques antiques, d’autres du Kenpō, une forme de karaté aux pratiques multiples. On retrouve aussi des mentions du Lei Tai, pratiqué en Chine ancienne et au delà de cela une liste incroyable d’évolutions au travers des années, du Vale Tudo Brésilien au Jeet Kune Do de Bruce Lee en passant par le Shooto Japonais.

En France quand on parle de « MMA », on obtient généralement en réponse un sourire en coin assorti d’un « zéro tracas… », ou encore d’un « wesh octogone ! » pourtant loin de cela, le sport en question jouit d’une croissance énorme depuis sa création en 1993 et plus particulièrement depuis une quinzaine d’années. Vous n’avez probablement jamais vu de « cours de MMA » proposés dans votre ville, ni même de clubs dans votre région et pour cause la pratique des arts martiaux mixtes a été énormément freinée par les pouvoirs publics et certaines autres fédérations de sports de combat. La raison principale invoquée étant généralement celle de l’usage d’une « cage » et de coups au sol. En conséquence, l’entrainement n’était que toléré et la compétition en était interdite jusqu’à début 2020. Malgré tout il existe de nombreux combattants de MMA qui s’entraînent en France à travers d’autres disciplines ou dans des clubs frontaliers et franchissent les frontières pour accéder aux compétitions.
L’hexagone a d’ailleurs déjà entraîné et exporté des combattants de premier ordre comme Cheick Kongo, Cyrille Diabate, Francis Carmont ou encore Francis Ngannou.

L’événement qui a failli ne pas avoir lieu

Pour revenir à notre sujet, il est difficile de faire respecter des gestes barrières au sein d’un sport qui consiste principalement à les franchir. Les organisateurs ont donc dû se battre purement et simplement pour proposer de la compétition.
A l’origine, l’UFC avait décidé de maintenir son agenda de combats malgré le virus et l’édition 249 de son « pay per view » aurait dû se tenir le 18 Avril à New York avant d’être mise en péril par l’interdiction des compétitions sportives à travers le pays. Le président de l’organisation, Dana White, avait alors fait foi d’organiser la carte coûte que coûte et s’était venté d’avoir acquis une île privée pour y organiser lesdits combats. Une réserve indienne a elle aussi été évoquée dans la même période… Mais ce sont cette fois les chaines Fox (Disney) et ESPN, avec lesquelles l’UFC est en affaires, qui ont mis la pression pour que l’événement soit reporté. L’UFC s’en est accommodé, mais il était hors de question pour une telle organisation, dont l’esprit est au diapason du président du pays, de stopper le business plus que nécessaire… Ce qui nous amène à la carte présentée ce 09 Mai en Floride, avec quelques combats remaniés. En effet, aux USA, les gouverneurs possèdent une certaine indépendance et la législation peut différer d’un état à l’autre. Ici, le gouverneur Ron Desantis a choisi d’approuver les sports professionnels et les moyens mis en œuvre pour les diffuser en tant que « business essentiels ». En revanche, aucun public n’est autorisé à assister à l’événement.
L’enjeu principal restait donc de rassembler une affiche compétitive pour son retour à l’antenne, ce qui semble plus facile à écrire qu’à faire puisque de nombreux combattants internationaux sont « bloqués » dans leurs pays. Il a donc fallu composer avec les combattants basés aux USA, ce qui n’a pas empêché de composer une carte alléchante.

Une reprise sous haute surveillance qui n’empêche pas un couac

Pour assurer ce retour aux affaires en toute sécurité, il a donc fallu que l’UFC mette en place un protocole inédit. Les combattants et leurs équipes ont tous dû se présenter plus tôt qu’à l’accoutumée à Jacksonville et chaque personne a été testée pour déceler d’éventuels cas de Covid-19, tout comme l’intégralité des équipes travaillant sur l’organisation de l’événement (voir ci dessous le test de Bruce Buffer, annonceur).
Le lieu des combats, la VyStar Veterans Memorial Arena, a également été préparé consciencieusement et verrouillé pour limiter les risques.

Malgré toutes ces précautions, la réalité s’est rappelée d’elle même aux organisateurs. Alors que la pesée officielle et la cérémonie des face à face avait déjà été réalisée avec tout ce que cela comporte comme contacts, un combattant et son équipe ont été testés positifs au virus. Il s’agit de Jacaré Souza, qui aurait dû affronter Uriah Hall. Le combat a évidement été annulé immédiatement et les contaminés ont été isolés mais la situation a donné du grain à moudre aux détracteurs de la reprise du sport : malgré un protocole strict, des dépenses énormes et des tests à volonté le virus est passé. Et bien que la situation ait rapidement été écartée il faudra à présent espérer que personne d’autre n’ait été contaminé par cet incident, sans quoi cette reprise en grande pompe pourrait au final rester comme un véritable fiasco dans la mémoire collective…

La carte de combats

Revenons donc au sport. Il a fallu dans un premier temps s’habituer à observer ce sport à haute intensité dans une ambiance de snooker, mais à la réflexion il s’agit probablement d’un des seuls sports à gagner une forme d’intérêt à huis clos. Dans une telle arena pouvant en temps normal accueillir jusqu’à 15000 personnes, tout devient audible pour le spectateur : les consignes de l’arbitre, les instructions des coachs, le trashtalk… mais surtout la respiration des combattants lors d’une joute au sol ou encore le claquant des coups que l’on ressentirait presque tant ils semblent proches.

Malgré un manque de « stoppage » (KO / Soumission) dans les premiers combats de la soirée, la carte n’a globalement pas déçu tant elle était variée et qualitative et ce, dès la carte préliminaire.
Les fans de combat au sol et des virtuoses de la soumission ont été servis par une masterclass de Bryce Mitchell face à Charles Rosa. Les amateurs de stand up à haute intensité, où chaque coup peut provoquer le KO auront surement apprécié la joute entre Vicente Luque et Niko Price ou encore celle entre Greg Hardy et Yorgan de Castro.
Les connaisseurs de l’histoire du sport n’ont surement pas loupé le combat entre Aleksei Oleinik et Fabricio Werdum (42 ans chacun, 106 combats combinés) et les amateurs plus récents auront probablement apprécié le combat des « fan favorites » Anthony Pettis et Donald Cerrone.


Le seul combat féminin de la soirée n’a pas eu la saveur escomptée, malgré les talents intrinsèques des adversaires du jour… Depuis quelques années les femmes se sont faites une place de choix dans ce sport jusqu’alors rempli de testostérone, malheureusement la partie d’échecs que se sont disputés Carla Esparza et Michelle Waterson n’en a pas vraiment donné le meilleur visage et restera l’une de nos déceptions de la soirée.


Les amateurs de KO ont dû attendre le deuxième combat de la carte principale pour rentabiliser leurs espoirs mais le coup de coude qu’a parfaitement placé Calvin Kattar dans le visage de Jeremy Stephens a certainement compensé l’impatience. Le Camerouno-Français Francis Ngannou s’est ensuite inscrit dans le même registre de la meilleure des manières avec un KO en un coup après seulement 20 secondes de combat face à Jairzinho Rozenstruik, monstrueux.

Vint enfin l’heure des combats pour des ceintures de champion, à commencer par les Bamtamweight Dominick Cruz et Henry Cejudo. Si la soirée manquait de drama, elle en a été saupoudrée lors de ce match, avec un TKO discutable à deux secondes de la fin du second round qui fera parler les aficionados pendant quelques jours… Le tout avant que le champion, également médaillé d’or en lutte aux JO 2008, n’annonce sa retraite du MMA lors de son interview d’après match.

Il ne restait plus que le main event entre Tony Ferguson et Justin Gaethje, un combat qui a tenu ses promesses aussi bien dans l’intensité que dans la qualité jusqu’au 5ème et dernier round au cours duquel les coups répétés de Gaethje ont poussé l’arbitre à stopper le combat. Permettant ainsi au challenger d’être désigné champion (par interim) au terme d’une prestation impressionnante de bout en bout.

Résultats

Carte principale
Justin Gaethje bat Tony Ferguson (TKO Round 5)
Henry Cejudo (c) bat Dominick Cruz (TKO Round 2)
Francis Ngannou bat Jairzinho Rozenstruik (KO Round 1)
Calvin Kattar bat Jeremy Stephens (KO Round 2)
Greg Hardy bat Yorgan de Castro (unanimous decision)

Carte préliminaire
Anthony Pettis bat Donald Cerrone (unanimous decision)
Aleksei Oleinik bat Fabricio Werdum (split decision)
Carla Esparza bat Michelle Waterson (split decision)
Vicente Luque bat Niko Price (TKO médecin Round 3)
Bryce Mitchell bat Charles Rosa (unanimous decision)
Ryan Spann bat Sam Alvey (split decision)

Crédit photo : Gregory Fisher – USA Today Sports (octogone)

Let’s Go Metz est un média associatif créé en 2017 et qui a pour but de valoriser l’actualité sportive à Metz ainsi qu’en Moselle. Il est alimenté par le travail de ses membres bénévoles.

© 2023 – Let’s Go Metz. Tous droits réservés.