Faut-il interdire le foot féminin ? [L’humeur de Fox Mulder]

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Loin des clichés moraux, des tirades progressistes de la pensée unique, il est plus que temps de se poser les vraies questions, une bonne fois pour toutes.
Et surtout LA question : Faut-il interdire le football féminin ?

Tu as vu un peu ce titre putaclic ? Du grand art n’est-ce pas ? C’est fou ce qu’on est obligé de faire de nos jours pour attirer le lecteur… Maintenant que tu es là, tu vas rester et tu vas lire jusqu’au bout !
Bon, deux solutions s’offrent à nous : soit tu es ici parce que tu es une femme (fille, nana, choisis le terme qui te conviendra le mieux), très certainement féministe, bien entendu hystérique, évidemment choquée par l’idée même qu’on puisse [ne serait-ce que] se poser la question d’interdire à tes congénères de taper dans un ballon, soit tu es ici parce que tu es un gars, évidemment lourd et machiste, potentiellement violeur, et t’as envie de te fendre la poire pendant dix minutes en t’égosillant sur des propos misogynes.
J’exclue volontairement la troisième solution qui voudrait qu’il existe encore des gens modérés, neutres, à la pensée constructive, puisant ça et là le meilleur des idées, car non, messieurs dames, la société moderne est manichéenne, les réseaux sociaux sont dualistes, il n’y a pas de compromis, on est soit dans un camp, soit dans l’autre. Le clivage a le vent en poupe et les guerres intestines prédominent. Chacun des deux camps possède ses lieutenants, ses ayatollahs, qu’il s’agisse de Megan Rapinoe ou Nathalie Portman chez les féministes (Ouai je sais… c’est aux USA, mais tu sais bien que c’est tendance de s’identifier aux problématiques US et de les importer dans l’hexagone !), ou bien d’Alain Soral, Alain Finkielkraut chez les misogynes (Mes plus plates excuses aux Alain, il s’agit ici d’une pure coïncidence…).
Mais revenons à la question qui nous réunit aujourd’hui.

Lorsque j’ai commencé il y a 3 ans et à mon humble niveau, à couvrir les matchs du FC Metz et écrire quelques humeurs salaces, avec comme ingrédients principaux le second degré et un humour parfois très noir (Parce que oui, l‘humour noir compte !), on me demandait souvent pourquoi je n’écrivais rien sur les féminines du club grenat. Après tout, j’allais régulièrement les voir, et l’idée de les mettre en avant, quels qu’en furent les moyens, c’était quelque chose qui me tenait à cœur. Seulement voilà, écrire un pamphlet sarcastique sur une équipe féminine, avec des montages photos et des jeux de mots douteux comme je le faisais pour leurs homologues masculins, c’était m’ouvrir tout droit la porte des tribunaux et l’assurance de ne plus jamais pouvoir approcher le camp d’entraînement des féminines. Frédéric Beigbeder souligne d’ailleurs très justement que « le féminisme a supprimé l’humour qui permettait aux hommes et aux femmes de ne pas combattre ».
J’ai abandonné l’idée, mais je me suis promis en contrepartie de faire des articles pour elles de temps en temps, et avec mes collègues de Let’s Go Metz, nous avons décidé de couvrir leurs matchs au maximum et de multiplier les interviews, les séances photos.

Elles aiment ça, les photos…

Au moins autant que les joueurs masculins, à la différence près qu’elles ont pour [très bonne] habitude de mentionner le photographe et la source de l’image, tandis que chez les bonhommes, très souvent, ça recadre la photo et ça la publie sur Instagram sans mentionner, comme le font certaines fans pages sans scrupules. Bande d’enxxxxx !
Malheureusement… Fidèles à l’image du FC Metz, et soucieuses de suivre l’exemple des hommes, nos vaillantes messines ont pris l’habitude de faire des allers-retours entre l’élite et l’antichambre du foot français. Des saisons cauchemars en 1ère division aux purges victorieuses en division 2, nos féminines n’ont cessé de nous balader entre lanterne rouge et saisons homériques.

Récemment, en pleine préparation estivale, les joueuses du club à la croix de Lorraine nous ont fait le fameux coup du match mixte, contre les U15 de Magny. Et à l’instar des championnes du monde emmenées par Rapinoe, qui s’étaient largement faites soulever par les U15 de Dallas, nos messines ont perdu « avec les honneurs ».
Et innocemment, avec toute la neutralité due à notre rang supposé, nous avions publié le score.
Un score somme toute raisonnable, 2-0 pour les jeunes hommes, pas d’humiliation et même une prestation très sérieuse des protégées de Jessica Silva.
Seulement voilà, à la suite de cette publication, de nombreux commentaires, souvent limites, toujours vexants, ont afflué sur les réseaux sociaux. Du pain béni pour les trolls, ou certains antiféministes qui n’hésitèrent pas à rappeler le discours [certes absurde et sans réflexion] de la capitaine américaine, ou celui des politiques démagos qui prônent l’égalité salariale entre les hommes et les femmes en occultant l’aspect pourtant essentiel des recettes générées comme ça se fait très logiquement dans l’art (Cinéma, musique, etc.).
Du pain béni également pour les sexistes bas de plafond qui n’imaginent rien d’autre pour les femmes qu’une destinée de cuisinière, mère au foyer ou réceptacle à foutre.

Tout sauf des commentaires bienveillants.

Non pas que pour les hommes les commentaires soient élogieux après une défaite, bien au contraire, mais de là à n’avoir que du négatif et des moqueries…
Bref, toujours est-il que nous avons opté pour le retrait pur et simple de la publication, comme l’avait fait quelques jours plus tôt notre confrère et ami, Angelo Salemi (©) du Républicain Lorrain, qui avait osé filmer et poster sur Twitter un tennis-ballon des filles, libérant sans surprise le Kraken et sa horde de petits trolls, en un tsunami de malveillance.

Censurer pour les surprotéger ?

A vrai dire, j’étais totalement contre cette idée. Ma première réaction fût de vouloir persister et signer en laissant s’exprimer les trolls. Après tout, le club avait pris le risque de mettre les filles dans une posture délicate en les confrontant à une réalité physique et technique que la bien-pensante société nous interdit d’admettre, et nous… nous ne faisions que notre « boulot » de pseudo-journalistes amateurs en exposant les faits.
Or, avec un peu de recul, je pense que supprimer l’info, c’était malheureusement la meilleure solution.
Le football féminin n’est encore qu’à ses balbutiements et il faudrait des décennies pour que le spectacle proposé soit aussi bon que chez les hommes. Enfin je parle du spectacle des grands clubs et des grands joueurs, parce qu’en terme de purge, certaines divisions masculines, certains matchs en particulier en France n’ont rien à envier aux football féminin. Si tu suis le FC Metz depuis moins de vingt ans, tu sais de quoi je parle.
Vouloir médiatiser un sport qui n’a pas encore atteint sa maturité, c’est vouloir mettre la charrue avant les bœufs.
C’est aussi risquer les affrontements d’extrémistes, entre les femen qui voudraient qu’on paye les joueuses autant que les joueurs, et les beaufs qui ne supportent pas de voir des femmes s’émanciper par le sport. Et tant qu’il y aura ces affrontements, ces déclarations débiles, d’un côté comme de l’autre, il n’y aura peu ou prou de place pour l’évolution du foot féminin.
Et comme la liberté de pensée, d’expression, nous oblige à tolérer ces deux extrêmes, puisqu’il nous est interdit de censurer les absurdes fascistes des deux bords, modérons la médiatisation du foot féminin.
Tant pis pour ces joueuses courageuses qui osent affronter les préjugés, qui se permettent de pratiquer un sport traditionnellement masculin, tant pis pour les encadrants, les formateurs qui s’acharnent à apprendre les rudiments du football à des filles que la société patriarcale prédestinait plutôt à une carrière de secrétaire ou d’hôtesse de caisse.
A vouloir tolérer les discours irréfléchis, misandres et inconsistants d’une Rapinoe ou de certaines ministres dont je tairai les noms, nous avons créé sur les réseaux sociaux des monstres sexistes et misogynes, des prédateurs sans foi ni loi, prêts à dévorer leurs proies à la moindre occasion.
Le mal est fait et il sera très difficile de donner au football féminin la lumière qu’il mériterait.
Alors à défaut d’interdire et faire taire ceux qui nuisent à son développement, ne serait-il pas tout simplement mieux d’interdire le football féminin ?

Évidemment non…
Quiconque aime son club, doit défendre ses membres, du capitaine de l’équipe première au jardinier du stade en passant par les sections des jeunes, les cadres et les responsables du staff et de la direction, qu’ils soient hommes ou femmes.
Bien sûr qu’il y aura pour longtemps, pour ne pas dire toujours, une différence de niveau, de physique entre les femmes et les hommes, bien sûr que les recettes engendrées par les unes ne leur permettent pas encore de gagner autant que les autres. Faut-il pour autant les rabaisser ? Faut-il pour autant les humilier sur les réseaux sociaux ? Évidemment que non…
Alors voilà ce que je vous propose… Oubliez un instant vos préjugés, oubliez un instant votre prétendue connaissance du football, et rejoignez les rangs des supporters des féminines.
Pourquoi ?
Parce qu’elles ont du mérite.
Et parce qu’elles portent fièrement l’écusson du FC Metz.

Crédit photos + montage douteux de l’image à la une : Julien Buret

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