Estelle Laurier (FC Metz) : « La coach n’aime pas les feignantes »

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Estelle Laurier est arrivée cet été au FC Metz, en D2 Féminine, riche de nombreuses expériences. La joueuse formée à l’Olympique Lyonnais a notamment connu le championnat universitaire aux Etats-Unis et la Bundesliga en Allemagne. L’actuelle latérale droite du club à la Croix de Lorraine s’est livrée à Let’s Go Metz. Entretien.

Comment as-tu découvert ta passion pour le football ?
Mon père et mon grand frère pratiquaient le football donc j’ai aimé ça depuis mon plus jeune âge. De base, ma mère m’avait inscrite à la danse mais je me suis vite rendue compte que ce n’était pas du tout mon truc… J’ai commencé au FC Chaponnay Marenne (Rhône) dans mon village quand j’avais 7 ans. J’évoluais avec les garçons, j’ai fait un an là-haut avant d’être recrutée par l’Olympique Lyonnais en 2006-2007, et je suis restée à l’OL jusqu’à mes 18 ans.

Est-ce que ta famille t’a encouragée quand tu leur as dit que tu voulais faire du football ?
Oui bien sûr ! Ma mère me disait au début « j’ai qu’une seule fille, j’aimerais que tu fasses autre chose » (Rires) mais elle m’a inscrite sans problème, et je n’ai jamais arrêté.

Qu’est-ce que l’Olympique Lyonnais avait de plus que les autres clubs ?
Jean-Michel Aulas a énormément investi pour sa section féminine, il recrutait les meilleures. Dans les catégories jeunes on ne perdait jamais, le club recrutait les meilleures petites. Au niveau des infrastructures, on avait plein de terrains, on ne manquait jamais de rien. C’était une des meilleures formations que j’aurais pu obtenir.

Tu as ensuite traversé l’Atlantique pour arriver aux USA à la Wake Forest University, peux-tu nous parler de ton expérience là-haut ?
Les USA, c’était extraordinaire. L’expérience était incroyable car ils se basaient surtout sur les individualités, le développement personnel, l’athlétique, la musculation… Sur le terrain, c’était très physique et au niveau des infrastructures, je n’avais jamais vu ça. On prenait des jets privés pour faire les déplacements à l’extérieur. On avait deux vestiaires, on avait tout ce qu’il fallait pour la récupération donc c’était juste incroyable. J’ai appris énormément de choses là-bas, que ce soit sur le terrain mais aussi en dehors.

Le football féminin et la NCAA, c’est une véritable institution aux États-Unis…
Le sport aux USA c’est incroyable, les filles qui font du football là-haut sont vraiment valorisées. J’évoluais en ACC (Atlantic Coast Conference), c’est l’une des meilleures conférences en NCAA.

Est-ce qu’il y avait beaucoup d’échanges entre les sportifs dans l’Université ?
Énormément. Je vais prendre un exemple avec le basketteur Chris Paul (Suns de Phoenix) qui sortait de Wake Forest, il venait parler aux jeunes de toutes les disciplines. Les coachs sportifs avaient leur propre bâtiment, nous on était dans des salles de classe spécialement entre athlètes.

Après ta formation, tu es revenue en Europe pour jouer en Bundesliga à Essen. C’était un choix évident pour toi ?
Après avoir eu mon diplôme en communication aux USA, je savais que je voulais continuer le football et devenir professionnel. Le problème, c’est que c’est tombé en pleine période du COVID. A la base, j’aurais voulu continuer aux USA mais au niveau des VISAS c’était très compliqué. Donc, quand je suis revenue en Europe, on a travaillé avec mon agent et je lui ai dit que je ne voulais pas rentrer en France, pour continuer les expériences à l’étranger. De fil en aiguille, on a trouvé un club en Bundesliga et c’était une bonne opportunité à prendre. C’est un championnat où il y a énormément de public et où toutes les équipes sont fortes, tous les matchs étaient hypers intéressants à jouer.

Quelles sont les différences culturelles entre les USA et l’Allemagne, deux grands pays de football féminin ?
Aux États-Unis, je n’ai connu que l’universitaire, pas le monde professionnel. C’est donc différent, je pense qu’en Allemagne c’est plus « bourrin » et basé sur le duel alors qu’aux USA c’est plus physique et technique. Le Bundesliga c’est quand même un niveau au-dessus du championnat universitaire américain.

Cet été, tu es arrivée au FC Metz, qu’est-ce qui a motivé ton choix ?
Après deux années en Bundesliga, j’avais envie de rentrer en France, que ce soit sur le plan personnel, familial, pour retrouver mon pays et ma culture. On a travaillé avec mon agent, et Jessica Silva m’a contacté, il y a eu un très bon feeling. Vu qu’elle vient du Canada, on a la même vision « américaine » du jeu, ça a accroché tout de suite. Elle m’a présenté le projet du club qui est basé sur le travail. Ce qui est très important pour moi car c’est grâce au travail qu’on peut atteindre les objectifs. Le FC Metz je connaissais un peu aussi, j’ai le souvenir de Maxwell Cornet qui venait d’ici et qui jouait à Lyon.

C’est le projet qui t’a attiré ici, en D2 Féminine ?
Oui, j’ai eu plusieurs touches en D1 à l’étranger, mais c’est le projet du FC Metz qui m’a séduite. De plus, il y a de belles infrastructures ici. Pour le moment je suis satisfaite de mon retour en France, c’est un plaisir.

Tu connaissais déjà une certaine Inès Boutaleb, ton actuelle coéquipière…
Oui je la connaissais déjà, c’est une amie d’enfance et on a grandi ensemble. Sa présence a complètement facilité mon intégration d’ailleurs, et ce dès le premier jour.

Tu as été formée milieu droit mais depuis le début de saison tu joues au poste de latérale droite, peux-tu nous expliquer pourquoi tu as reculé sur le terrain ?
Aux USA je jouais milieu droit mais j’ai dû dépanner au poste de latérale droite. Je suis devenue une latérale qui monte énormément pendant les matchs. En Allemagne par contre j’ai joué en numéro 10, le changement total ! Quand j’ai discuté avec Jessica Silva, elle m’a expliqué son plan de jeu, et par rapport à mes capacités et à mes points forts, elle m’a dit qu’elle me verrait bien jouer à ce poste.

Question piège : tu préfères jouer en numéro 10, ou latérale droite ?
(Rires) C’est complètement différent mais en ce moment je préfère jouer arrière droite car je trouve que j’apprends énormément. Il me reste encore à travailler, en particulier défensivement.

Tu as découvert Jessica Silva cette saison, c’est quel type de coach au quotidien ?
Elle est proche de ses joueuses mais est aussi très exigeante, elle n’aime pas les feignantes, il faut travailler dur avec elle. C’est une très bonne coach donc ça se passe bien sur le terrain.

Ça se passe bien aussi en championnat, pour le moment vous êtes deuxième à égalité de points avec le RC Lens.
Oui on est satisfaites et on espère continuer ainsi. On a un bon groupe, on s’entend bien, on a de bonnes joueuses donc j’espère qu’on continuera sur cette lancée.

On sent qu’il y a plus d’expérience au sein du groupe, grâce aux recrues, toi y compris.
Oui, le groupe a été renforcé. Il y a des filles comme Salma Amani et Emmeline Mainguy qui ont plein de matchs de D1 à leur actif, donc forcément ça aide. Il y a aussi des étrangères comme Marjorie Boilesen et Otti Grassetti, c’est une bonne chose car cela amène une autre vision du jeu.

Est-ce que tu fais partie des joueuses qui aiment prendre la parole dans un vestiaire ?
Oui, j’aime bien m’imposer même si je suis une nouvelle arrivante, il m’arrive parfois de prendre la parole en effet. De plus, Jessica Silva m’a donné des tâches à faire pour justement m’intégrer dans le groupe, comme organiser les barbecues.

Tu as connu de belles infrastructures dans ta carrière. Ici, La Plaine Saint-Symphorien vient d’être rénovée, est-ce important de voir qu’il y a des moyens alloués à la section Féminines ?
Franchement oui, on a de bonnes infrastructures, on a nos propres vestiaires, on a plusieurs terrains, c’est très très bien.

Un petit mot sur la ville de Metz ?
J’ai trouvé les gens ici très sympa, moins stressés qu’à Lyon en tout cas et la ville est très mignonne avec des petites rues très sympas.

Tu as des passions hors du foot ?
Ma passion c’est ma petite chienne (rires), j’aime beaucoup aller la promener. Je me base vraiment sur le travail et ensuite j’aime me reposer. Il y a aussi mon cousin qui n’habite pas très loin donc on passe du temps ensemble. Cela m’arrive aussi de sortir avec les amies du groupe, j’adore le shopping, mais modérément bien entendu (rires).

En France, le foot féminin n’est pas forcément bien médiatisé. Selon toi, qu’est-ce qu’il manque à la discipline pour gagner un peu plus d’audience ?
En effet, ça manque un peu de médiatisation, même si maintenant les matchs de D1 Arkema commencent à être diffusés. Par rapport à ce que j’ai vécu en Allemagne, on fait plus de communications sur les réseaux et on intègre aussi les filles sur des shootings photos avec les pros masculins. J’ai eu récemment l’occasion de discuter avec Matthieu Udol et Youssef Maziz qui sont sympas. Il faudrait qu’on s’appuie sur l’équipe masculine, c’est peut-être ce qu’il manque à certains clubs. Pour conclure je dirais qu’on progresse lentement mais sûrement, même si on aimerait que ça aille un peu plus vite.

La D1 Arkema est dans FIFA 23 cette année. Aimerais-tu y être modélisée sous les couleurs du FC Metz l’an prochain ?
(Sourire) Oui carrément ! Ce serait génial de voir ma tête dans l’un des prochains FIFA, j’ai beaucoup d’amies qui postent ça sur les réseaux et ça donne envie. C’est franchement une belle initiative.

Crédit Photo : Julien Buret / LGM

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