Clément Alcacer : « À Metz, on veut former les jeunes vraiment longtemps, les polir »

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Particulièrement occupé et impliqué dans la préparation des Dragonnes et du centre de formation, Clément Alcacer a pris le temps de nous accorder une interview grand format. Au programme : retour sur son parcours, point les ambitions du centre de formation et projection sur la saison à venir.

Let’s Go Metz : Tout d’abord revenons sur les origines, il y a eu un parcours « standard » à l’Union du Pays d’Aix Bouc pendant 5 ans et un jour de 2019 tout a basculé avec un appel d’Emmanuel Mayonnade. Avec le recul, quelle importance a eu le choix de changer tous les plans initiaux pour venir à Metz ?
Clément Alcacer : Ça a été une super opportunité de passer dans le monde professionnel. Quand j’ai passé mon diplôme d’entraineur j’étais le plus jeune de France. J’avais 24/25 ans et il y avait deux stratégies, soit j’envoyais des CV un peu partout dans des clubs où il manquait des diplômés en D1 et D2, soit je repartais d’un niveau en dessous avec l’objectif de monter dans les divisions professionnelles. C’est la deuxième solution que j’ai choisie parce que je voulais garder en quelque sorte le leadership, les clés du camion. C’est dans cette dynamique que j’ai rejoint l’Union Pays d’Aix Bouc où on est passé de N2 à N1 et l’objectif était de monter en D2. Mais en tant qu’entraîneur mais aussi manager général je me suis rendu compte qu’à un moment donné il n’y a pas que le sportif, il y a toute la structuration du club, l’environnement politique, le sponsoring… Et à ce moment là on avait peut être atteint la limite à Bouc. Je leur souhaite d’y arriver avec le temps, mais j’avais envie d’aller plus vite que ça et l’opportunité Messine est arrivée quand je me suis rendu compte que le passage de N1 à D2 allait être compliqué. Alors, je suis resté en N1 mais je suis rentré dans le monde professionnel dans le plus gros club de France au sein d’un centre de formation proposant des conditions de travail idéales. C’était le bon moment.

Malheureusement il y a aussi un peu de malchance puisque les deux saisons passées à Metz ont été largement écourtées en raison de la crise sanitaire…
Il y a des sentiments mélangés. On a forcément envie d’être déçus, frustrés quand on pense à nous. Mais il y a quand même l’humilité et tout le respect que j’ai pour le monde amateur, je sais d’où je viens et d’où les filles viennent aussi. On ne peut même pas être frustrés parce qu’on a eu la chance, je dirais même le privilège, de pouvoir continuer à s’entrainer fort, à progresser alors que le reste du monde du hand ne pouvait pas. Et puis les pro ont pu continuer les matchs, certaines joueuses du centre de formation ont pu jouer, moi j’ai pu être sur le banc ou au moins dans le staff avec l’équipe pro… donc ça va. Je préfère le relativiser comme ça vis à vis de tous les copains qui en ont été privés.

Avant cela il y avait déjà eu un confinement plus strict qui avait dû être plus compliqué à gérer.
Le premier confinement a été un peu dur pour le coup, quand tout s’est arrêté. On a lancé des projets, j’ai aidé des potes à lancer une plateforme d’aide à l’entraînement avec des vidéos, des supports écrits à destination des entraîneurs. Heureusement que j’avais des tas de projets.

On vient de passer un été de tous les dangers avec des filles engagées à l’Euro U19, d’autres à l’Euro de Beach Handball. C’était le bon moyen de se remettre dans une dynamique compétitive pour elles ?
Oui, totalement. C’est notre philosophie à Metz, on veut former les jeunes vraiment longtemps et les polir pour qu’elles aient une formation complète avant leur donner accès à un effectif professionnel. Tout dépend toujours du niveau et des ambitions qu’on a, c’est peut être plus facile de jouer dans des clubs qui ont un peu moins d’ambition ou un effectif pro plus réduit, mais ici on veut que le cycle de formation soit complet. Les filles qui sont parties avaient peu de temps de jeu avec les pro et ce type de compétition de niveau européen, même pour le beach, avec de la vidéo, des stages de préparation et des matchs contre des adversaires qu’on ne connaît pas forcément avec un niveau international, c’était un très bon moyen pour elles de reprendre cet aspect du sport.

En parlant de compétition, la saison passée à défaut de pouvoir coacher les matchs de N1, il y a eu une implication renforcée auprès des Dragonnes et notamment les gardiennes les soirs de match, comment ça s’est passé ?
Ça s’est fait dans la continuité de ce qu’on faisait déjà. Il y a une bonne entente dans le staff depuis le début, on bosse bien ensemble. Il y a une vraie volonté de travail en commun, que ce soit sur la manière dont on souhaite emmener les jeunes vers les pro ou comment on améliore l’entraînement au quotidien. L’implication auprès des gardiennes c’est quelque chose qui me plaît. Dans le sud je travaillais avec des formateurs de gardiens de but, notamment Daouda Karaboué et Benoît Toussaint, et c’est un rôle qui m’intéresse donc si je peux soulager Katya (Andryushina, ndlr) qui a déjà tellement de missions, je le fais avec plaisir. En même temps ça me permet d’être sur les séances d’entraînement de l’équipe professionnelle quand il y a des jeunes qui y participent et de continuer cette passerelle. Manu et Katya ont des objectifs de performance et ils sont là pour faire en sorte que le collectif fonctionne pour aller gagner l’équipe qu’on joue le week-end et si on peut en même temps accompagner une jeune qui va moins s’entraîner, lui donner des conseils ça ne peut qu’être bénéfique.
Je pars du principe que dans un staff, plus on a de compétences, plus on partage, mieux ce sera. Ensuite, le chef d’orchestre doit harmoniser tout ça mais Manu fait ça très bien.

Dans la continuité de ce rôle, il y a eu l’organisation des entraînements depuis Juillet à la fois avec les joueuses du centre de formation mais aussi les professionnelles qui n’étaient pas aux Jeux Olympiques, quel était l’objectif durant cette période ?
C’est aussi pour ça que j’étais dans le staff pro depuis deux ans. Lors des périodes internationales, Manu et Katya sont avec les Pays-Bas et il y a toujours eu cette volonté de continuité dans le travail. L’effectif professionnel me connaît même si à chaque trêve il y a quelques filles qui s’en vont, voire même beaucoup (rire) et l’idée est d’avoir un staff uni, qui fonctionne ensemble. Cet été c’était la première fois, puisque ça ne se produit que tous les 4 ans, où bien plus qu’une trêve internationale il y avait un début de préparation à assumer pendant un mois. Il n’y avait que 4 joueuses professionnelles absentes et on voulait vraiment aller fort dans la prépa’, entrer dans le projet de jeu, dans le travail physique. On a organisé ça ensemble fin mai / début juin et ensuite ça s’est fait à distance avec une partie assez drôle : le décalage horaire, avec des échanges concentrés entre 3 heures du matin et midi. Manu et Katya orchestraient à distance et on mettait en place ici.
Cette période a permis d’apprendre à connaître certaines nouvelles mais aussi de donner aux jeunes un mois complet de préparation avec les pro, parce qu’il y avait 11 joueuses pro mais on fait difficilement du handball comme ça et les 8 filles du centre de formation ont permis de bien compléter l’effectif pour la préparation. Tout ça m’a permis de donner vie au projet avec la double casquette de directeur du centre de formation et entraîneur. C’était assez évident avec Nicolas Jarzat (le préparateur physique, ndlr) qui travaille aussi avec les deux effectifs.

On a cru comprendre de la bouche de Thierry Weizman que le rôle de directeur du centre de formation allait encore évoluer avec le passage de Metz Handball en société. Comment est-ce que cela va s’organiser ?
La volonté est que Metz Handball continue à être un club formateur et qu’on renforce un peu le secteur amateur. Le passage en société ne doit pas affaiblir l’association et on doit organiser le plan de formation de tous les jeunes que ce soit les filles ou les garçons, chapeauter les entraîneurs, s’appuyer bien sûr sur Delphine (Royer, ndlr) qui est déjà là. On fait venir Nina Kanto, on a Delphine Guehl qui revient aussi, ce sont des personnes sur lesquelles je vais m’appuyer dans la formation des jeunes. Et l’idée c’est de structurer et professionnaliser aussi ce pan là pour que dès le départ la pyramide soit en place. Il y avait déjà un beau terreau que l’on va continuer d’améliorer. On ne veut pas tout mettre sur la société en délaissant l’asso mais bien de renforcer l’ensemble pour que cela puisse enrichir tout le monde.

Du côté du centre de formation comme chaque année il y a eu du mouvement. Le départ de Léa Ballureau, les promotions de Sarah Bouktit, Emma Jacques, Julie le Blevec, Audrey Dembele… A quoi va ressembler l’équipe cette saison ?
On fait quatre arrivées au centre de formation. Il y a Emma Tuccella qui était déjà ici, mais qui intègre le centre et qui va remplacer Julie le Blevec. On la connaît bien, elle est titulaire au poste en équipe de France U17 et on sait ce qu’elle a encore à travailler pour progresser.
Globalement on fait presque du poste pour poste, à l’exception du poste de Sarah Bouktit qu’on ne remplace pas. Anne Emmanuelle Augustine a eu deux blessures longues et on voulait lui donner beaucoup de temps de jeu pour sa dernière année. On travaillera avec des partenaires d’entraînement et de match mais sans lui mettre une autre pivot dans les pattes au niveau du centre.
On a recruté une arrière droite pour remplacer Emma Jacques, qui est Lalie Vernay, qui a fait quelques piges en équipe de France U19 et qui a eu une saison un peu compliquée l’an passé mais qui va se relancer. C’est une buteuse, une guerrière, on attend ce côté là dans un côté complémentaire avec Laureen Dembele qui est très très bonne défenseure. Elles pourront s’apporter beaucoup l’une à l’autre.
On a la même chose de l’autre côté avec Giulia Fabbo qui a pour le moment de meilleures qualités offensives, qui sera en binôme cette saison avec Laura Fauvarque qui était la tour de contrôle de l’équipe de France U19 au dernier Euro avec une belle compétition en défense.
Enfin, on a fait venir Zaliata Mlamali à l’aile gauche qui est un vrai espoir fédéral et qu’on veut faire progresser. Il y a donc 4 entrées pour 5 départs, on voulait en profiter pour faire travailler Lily Balassi mais elle s’est malheureusement fait les croisés lors d’un match de préparation la semaine passée.
En résumé on a 10 joueuses sur le centre de formation, 17 joueuses en tout dans l’effectif de Nationale 1, 3 filles au pôle espoir et des partenaires. La volonté est de continuer à bosser en rajeunissant beaucoup et partir vers un nouveau cycle de travail en s’appuyant sur les anciennes.

On parlait des joueuses qui sont parties, quel est le sentiment quand on voit des joueuses qu’on a formées prendre leur envol vers des effectifs professionnels ?
C’est beaucoup de fierté. Il y a de la satisfaction, c’est ma mission prioritaire que les filles deviennent pro. Les quatre qui signent en LFH sont sous contrat professionnel avec Metz Handball et je suis super satisfait que le travail porte ses fruits tout en bénéficiant à la structure même si on en a prêté deux. La volonté sur ces prêts c’est de voir comment elles évoluent pour les rapatrier l’année suivante, il y a eu de belles réussites par le passé. C’est plutôt gratifiant.
Il y a le cas particulier de Léa Ballureau avec qui on aurait pu continuer à travailler mais qui a préféré aller voir ailleurs, mais elle a une autre histoire avec le club puisqu’elle a intégré Metz Handball en mini hand et c’était peut être un bon moyen pour elle de progresser que d’aller voir ce qui se passe dans le nord. Elle va malgré tout dans un effectif qui joue le haut de tableau en D2, avec du temps de jeu et je pense que ça reste une réussite.

Dernière question, on a vu le précédent responsable de la formation Messine, Yacine Messaoudi, percer de belle manière du côté de Paris 92. Est-ce qu’au milieu de tous ces projets de développement on doit malgré tout s’attendre à voir Clément Alcacer à la tête d’un banc de D1 à l’avenir ?
Si on refait l’historique j’ai mon diplôme d’entraîneur pro depuis 6 ans, la volonté était de passer par le chemin classique et je pense que petit à petit la carrière se construit. J’ai 32 ans, il me reste du temps, mais ça fait bien sûr partie des volontés. On verra comment le travail et les rencontres amènent les choses. Je ne ressens pas de stress ou d’urgence, on est bien là, on bosse bien.

Crédit photo : Matthieu Henkinet

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