474 Quelques jours après l’annonce de sa retraite, l’athlète mosellan Quentin Bigot s’est exprimé à notre micro pour revenir sur sa décision et parler de ses projets futurs à Gandrange, sans oublier ses souvenirs d’une carrière réussie. Quentin Bigot, vous avez annoncé le 19 juin dernier votre retraite. Quel a été le processus de réflexion qui vous a amené à prendre cette décision ? « Il faut savoir que j’ai déjà eu l’intention de m’arrêter à l’issue de la saison 2024. Mais j’avais tout de même envie de terminer sur une saison correcte, un peu comme une tournée d’adieu. Malheureusement, tout ne s’est pas passé comme je l’aurais voulu. Mon dos m’a fait quelques histoires, à l’endroit même où je m’étais fait opérer d’une hernie discale. » Dans quel état d’esprit vous êtes-vous trouvé à ce moment-là ? « Au départ, j’ai fait le maximum et j’ai essayé de me soigner pour m’en sortir. C’est arrivé il y a un peu plus d’un mois et demi. Mais j’ai rapidement vu que l’histoire se répétait un petit peu par rapport au dos. Si je décide de tenter le diable et d’y aller, je risque une blessure plus sévère. Je me suis dit que ce n’était pas la peine. Il y a une autre vie qui m’attend après, je n’ai que 33 ans. J’aurais fait une saison correcte, mais pas à mon meilleur niveau, donc il est inutile de prendre des risques démesurés. Je préfère cette décision. » Quentin Bigot : « Le meilleur concours de ma vie, ce sont les Championnats du monde à Eugene en 2022 » Il doit y avoir une forme de soulagement… « Et c’est ça le sentiment le plus important. Le dos me triturait l’esprit depuis deux ans, donc quelque part, le fait de prendre cette décision, ça me soulage parce que tout cela était générateur de stress. Ce n’était pas facile de devoir gérer ça tous les jours. Mais c’est un sentiment étrange après 20 ans à lancer le marteau. Désormais, j’arrête à haut niveau mais je continuerai à me faire plaisir, avec moins de charge. J’arrête juste le sport de haut niveau, qui demande de s’investir à outrance. » Cette autre vie qui vous attend, justement, passera sans doute par les élections municipales de 2026 ? « Effectivement, car je suis conseiller municipal à Gandrange depuis 2020, et j’ai pris la décision d’être candidat aux municipales dès 2022. Ce sentiment s’est renforcé et je suis encore plus sûr de moi désormais. J’ai beaucoup d’amis qui ont arrêté et qui ont été déprimés. Moi, ça ne va pas être le cas, mes journées sont déjà bien remplies par la vie communale. » En 2024, Quentin Bigot s’était confié en longueur dans le cadre de notre podcast sur les athlètes Mosellans. Un entretien en longueur à réécouter. On parle souvent d’une « petite mort » pour les sportifs au moment de la retraite. Pour vous, cela paraît beaucoup plus simple… « Le transfert s’est fait très rapidement, mais en douceur. Ça permet de ne pas fléchir psychologiquement. Il y a un autre défi qui m’attend. Car cela reste un défi d’être élu par les habitants, il faut convaincre. C’est comme préparer une compétition, il y a beaucoup de similitudes, sauf que mon dos n’est pas autant mis à contribution (rires). » « Contre le dopage, le meilleur levier, c’est l’éducation. Pour éviter que les jeunes tombent aussi dans le piège, et qu’ils vivent le même enfer que celui que j’ai vécu », Quentin Bigot Pour revenir au sportif, quel souvenir allez-vous garder de votre carrière ? « Le premier moment, c’est forcément ma médaille de vice-champion du monde à Doha en 2019. Celle-là, on ne pourra jamais me l’enlever. J’étais le premier vice-champion du monde (français ndlr), et pour l’instant, je suis le seul. Ç’a été très fort. Ensuite, vient la première fois où je lance à plus de 80 mètres, parce que j’ai eu la chance et l’honneur de le faire en Moselle, à Forbach. C’était un moment extrêmement important dont je me souviendrai, devant mon fils qui venait me voir pour la première fois. Après, si je dois donner le meilleur concours de ma vie, ce sont les Championnats du monde à Eugene (États-Unis) en 2022. C’était l’apothéose de ma carrière et de ce que je pouvais faire au marteau en termes de régularité, de performance et de haut niveau. Je termine quatrième, mais je fais une série incroyable. » Quentin Bigot avec Auriana Lazraq-Khlass lors d’une cérémonie organisée par l’A2M à l’Anneau. Qu’est-ce qui vous a attiré le plus dans le sport de haut niveau, la finalité, ou le chemin parcouru pour y arriver ? « J’ai toujours été attiré par le processus. Préparer un grand championnat, c’est un peu comme préparer un gâteau. Et prendre sa médaille, c’est manger le gâteau. Le plus important, c’est de mélanger les bons ingrédients pour bien se préparer, s’entraîner correctement, et ne pas faire d’erreurs. Le chemin, je trouve, est plus intéressant et apporte beaucoup plus humainement que le résultat. » Allez-vous continuer à graviter autour de l’athlétisme ? « Oui, je ne vais pas disparaître. Je vais continuer à accompagner les jeunes bénévolement, car il y aura toujours quelque chose à leur dire. Je le fais déjà avec Paul Creuzevault, qui était mon partenaire d’entraînement et qui est devenu mon athlète. J’espère pouvoir intervenir au niveau fédéral dans les stages, mais je n’en ferai pas mon métier car ce n’est pas mon souhait. Mais donner un coup de main, oui. » La transmission auprès des jeunes, c’est aussi quelque chose que vous pourrez retrouver si vous venez à être élu maire… « Exactement, et je trouve que l’on manque de jeunes qui ont envie de s’investir dans la politique locale, qui est loin des aspects de la politique au niveau national. C’est difficile à expliquer, mais je sens que mon cœur m’attire vers la mairie et vers le fait de rendre à la ville ce qu’elle m’a donné depuis que je suis petit. J’ai rencontré des personnes formidables et tout cela a du sens de s’investir pour demain. Il y a une part de passion, de vocation car le maire est le premier échelon. J’espère m’éclater là-dedans si les habitants me font confiance. » Quentin Bigot avait donné le coup d’envoi fictif d’un match du RC Metz en 2023. Pour revenir à l’athlétisme, allez-vous continuer à parler du dopage aux jeunes athlètes ? « Tout à fait. Je l’ai déjà fait avec l’Agence mondiale antidopage, ou l’Agence française de lutte contre le dopage. C’est bien que ces organismes, qui sont importants, me permettent de parler de mon histoire et de mon parcours. Ils ont compris que le meilleur levier, c’était l’éducation, pour éviter que les jeunes tombent aussi dans le piège, et qu’ils vivent le même enfer que celui que j’ai vécu. Donc si on me donne l’opportunité de le faire, ce sera avec grand plaisir, et tout aussi bénévolement. » Crédit photo : Julien Buret (Une), Valentin Lachaux et Matthieu Henkinet / Let’s Go Metz